Thèse

Au-delà de l'individu : le partenariat romantique à travers ses occupations


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Romain Bertrand, Maître d’Enseignement à la HETSL vient de réussir sa thèse de doctorat. Celle-ci propose d'aborder le partenariat romantique dans une perspective occupationnelle, c’est-à-dire, à travers les activités quotidiennes des conjoint·e·s. En se penchant sur l'engagement occupationnel des partenaires, cette étude explore la relation entre leurs occupations, qu’elles soient réalisées ensemble ou séparément, et la mutualité du partenariat. Ainsi, le but est d'étudier si et dans quelle mesure l'engagement occupationnel des partenaires reflète la mutualité de leur relation. Interview.

Romain Bertrand ©Hugues Siegenthaler

Romain Bertrand ©Hugues Siegenthaler

Quelle a été la principale motivation pour entreprendre une thèse sur le partenariat romantique à travers les activités quotidiennes des partenaires ?

Mon parcours professionnel est étroitement lié aux sciences de l’occupation, une discipline qui s’intéresse aux activités du quotidien des individus ou des groupes d’individus, et leurs liens avec la santé. Souvent, l’occupation humaine est comprise à travers le prisme de l’individualisme. J’étais intéressé de mettre au travail cet individualisme en me penchant sur le partenariat romantique, qui implique dans son essence une interdépendance, une forte connexion émotionnelle, physique, sociale entre les partenaires. Tout ce qu’on fait, seul·e ou avec l’autre, est étroitement interconnecté. Même quand il s’agit d’occupation réalisée sans l’autre, cela affecte l’autre. Ce postulat, j’ai pu l’éprouver de manière personnelle et concrète en entreprenant mon travail de thèse. Ce travail a en effet impacté ma partenaire dans ses propres occupations mais aussi dans celles que l’on faisait ensemble. Cette expérience a d’ailleurs renforcé mon souhait, à travers cette thèse, d’en venir à considérer les occupations humaines sous un prisme collectiviste.

« Tout ce qu’on fait, seul·e ou avec l’autre, est étroitement interconnecté. »

En quoi la perspective occupationnelle offre-t-elle un éclairage sur la compréhension des relations romantiques ?

La perspective occupationnelle s’intéresse à des choses qui semblent, à tort, aller de soi, les occupations quotidiennes, soit l’ensemble des activités que l’on fait intentionnellement, et auxquelles on attribue une signification particulière. Cette perspective m’a permis d’explorer comment un partenariat romantique construit son identité à partir de ses occupations, c’est-à-dire que l’identité s’inscrit dans la sédimentation des routines occupationnelles des partenaires. En d’autres termes, l’identité d’un partenariat façonne et est façonnée par les occupations des partenaires, au fil du temps, dans une idée de continuité. L’identité sociale du partenariat renvoie en fait à sa mutualité, qui transcende les identités individuelles des partenaires. En prenant en compte la mutualité, qui est un concept issu de la psychologie sociale, dans une perspective occupationnelle, on comprend mieux en quoi un événement de vie comme la déficience visuelle, remet en cause la continuité de l’identité du partenariat romantique car questionne la configuration des occupations au sein du partenariat. C’est dans ce cadre que, dans ma thèse, je propose finalement de considérer un partenariat romantique comme une communauté occupationnelle.

« L’identité d’un partenariat façonne et est façonnée par les occupations des partenaires, au fil du temps, dans une idée de continuité. »

Quel est l’intérêt de considérer un partenariat romantique comme une communauté occupationnelle, en particulier lorsque l’un des deux partenaires fait face à des défis de santé ?

Les occupations humaines sont un phénomène social qui interconnecte les individus. Pour appréhender le lien entre les occupations humaines et la santé, il est d’après moi nécessaire de s’intéresser au collectif. La notion de communauté renvoie à cette idée de collectif, rassemblant des personnes interconnectées autour d’un but commun. Les partenariats affectés par la perte de vision de l’un·e des partenaires, que j’ai pu interroger lors de ma recherche, exprimaient tous un besoin de continuité de la manière de faire les choses et engageaient des efforts en ce sens. Ici, la continuité concerne bien le partenariat, au-delà des partenaires. En comprenant le partenariat comme une communauté, on saisit que la reconfiguration des occupations dans laquelle les partenaires s’engagent a pour enjeu la continuité de leur identité sociale de partenariat, les enjeux ne sont donc pas uniquement à titre individuel. Bien sûr, la question se pose quant à maintenir une équité des contributions au sein du couple, mes résultats de recherche montrant que la reconfiguration des occupations ne va ainsi pas de soi. En outre, considérer le partenariat romantique comme une communauté occupationnelle permet aussi d’englober toute la diversité des formes de partenariat. Finalement, la perspective collectiviste de l’occupation humaine est de plus en plus saillante dans la littérature en sciences de l’occupation et ouvre de nouveaux horizons de recherche.