Interview

Vers un dispositif unique de toutes les assurances et prestations sociales ?


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Le système de protection sociale suisse est complexe. La crise du coronavirus a, une nouvelle fois, révélé notamment les lacunes de la couverture sociale actuelle. Le Réseau de réflexion Denknetz, qui regroupe des spécialistes en politiques sociales, travaille depuis plus d’une décennie sur un nouveau modèle de prestations sociales. Ce dernier  s’est enrichi de nombreux débats sur la scène politique et aujourd’hui un ouvrage présente en détail ce nouveau modèle fondé sur les principes d’égalité et de solidarité. Interview de Véréna Keller, traductrice du livre « Reconstruire la protection sociale pour toutes et tous » qui sera présenté le 1er novembre à la HETSL.

Véréna Keller

Véréna Keller

Dans l’ouvrage que vous avez traduit, un nouveau modèle de réforme des prestations sociales est proposé.

Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? En trois mots, je dirais, simplification, amélioration et élargissement des prestations sociales à toutes les personnes. Ce nouveau modèle d’« Assurance générale de revenu » permet de protéger toutes les personnes dans toutes les situations de manque de revenu indépendamment de leur cause, sans limite dans le temps et avec une assurance unique. Si le revenu reste néanmoins insuffisant, des prestations complémentaires (PC), réservées aujourd’hui aux rentiers et rentières AVS-AI, sont accordées. Elles unifient les innombrables prestations « sous condition de ressources », donc notamment l’aide sociale. 

Quelles sont les lacunes de la couverture sociale actuelle ?

La crise du coronavirus a mis en lumière la précarisation de toute une partie de la population qui passe entre les mailles du filet social. Notamment la mauvaise couverture sociale des indépendant·e·s et des personnes avec des salaires précaires qui ne sont pas forcément couvert·e·s en cas de perte de revenu. La complexité des différentes assurances sociales existantes met aussi les bénéficiaires en difficulté et peut entrainer un non-recours aux prestations sociales. En outre, comme ces différentes assurances sont délimitées dans le temps, certaines personnes se retrouvent du jour au lendemain sans couverture sociale. La création d’une Assurance générale permet de proposer un dispositif unique de toutes les assurances sociales couvrant la période de la vie professionnelle. Les bénéficiaires ne sont ainsi plus ballotés d’un service à l’autre et la gestion est moins coûteuse que le système actuel. En effet, aujourd’hui, une multitude d’assurances sociales répondent à divers risques sociaux (chômage, invalidité, perte de gain, maternité). Elles  ne sont pas coordonnées entre elles. 

Pouvez-vous expliquer comment fonctionne le modèle et ses différentes parties, soit les indemnités de perte de salaire, les rentes et les prestations complémentaires ?

Avec le modèle d’Assurance générale, une distinction est faite entre les personnes en situation de perte de gain temporaire (chômage, accident, maladie) qui bénéficient d’une indemnité journalière et les personnes en incapacité de gagner un salaire sur une plus longue durée qui, elles, reçoivent une rente. Concernant les indemnités de perte de salaire, les personnes bénéficiaires doivent accepter un emploi, avec pour condition que le travail soit digne selon la définition du Bureau international du travail (Decent Work). Toutes les personnes qui vivent en Suisse et qui ont cotisé durant trois mois peuvent bénéficier de cette assurance. Des prestations complémentaires viennent compléter ces prestations dans le cas où elles s’avèrent insuffisantes, mais aussi lorsque le salaire gagné ne couvre pas le minimum vital. Avec ce modèle, plusieurs organismes actuels seront regroupés, notamment les offices régionaux de placement (ORP), les offices de l’AI et les services d’aide sociale. Ils sont à la disposition des personnes qui le souhaitent sur une base tout à fait volontaire.

Est-ce que ce nouveau modèle est financièrement viable ?

C’est une question de choix politique. Les calculs pointus effectués par les auteurs montrent, à leur propre étonnement, que la partie assurance n’engendrera pas de coûts supplémentaires. Ceci est dû à la simplification de la gestion. Par contre, les prestations complémentaires élargies coûteront plus cher car elle seront plus élevées pour un grand nombre de personnes. Les prestations seront financées par des cotisations et des contributions publiques. Il s’agit d’un modèle solidaire, où tout le monde cotise, les employeurs, les employés et aussi les personnes indépendantes.

Réformer enfin la protection sociale ?

Conférence/débat

Dates de l'événementMardi 1ernovembre 2022 de 17h à 19h à la HETSL