Pourquoi avez-vous choisi d’étudier le camping comme nouvelle forme d’habitat principal ?
Adrien : Cette thématique nous a permis de nous intéresser aux trajectoires sociorésidentielles des habitantes et habitants et les manières avec lesquelles elles et ils investissent leur habitat d’un point de vue affectif, matériel et leur projection à moyen-long terme. Nous étions très curieux de découvrir les profils des personnes décidant d’établir leur résidence principale au sein d’un camping résidentiel. Nous ne nous attendions pas à découvrir une telle hétérogénéité des résidentes et résidents.
Robin : Le fait d’établir sa résidence principale au sein d’un camping résidentiel est un phénomène qui est très peu documenté. Et pourtant cette réalité existe. Dans le camping où nous nous sommes installés durant une semaine en immersion, à peu près 25% des places réservées au camping sont allouées à des personnes qui y résident à l’année. Cela nous intéressait de découvrir les diverses raisons motivant le recours au camping résidentiel.
« Nous ne nous attendions pas à découvrir une telle hétérogénéité des résidentes et résidents. »
Quelles sont les principales raisons qui poussent les personnes à s’établir dans un camping ?
Robin : La motivation financière était systématiquement relevée. Le recours à ce type d’habitat intervient souvent lors d’une rupture dans le parcours personnel, à savoir une séparation, une perte d’emploi, la rupture de son bail, etc. Le camping permet d’éviter de tomber dans la précarisation ou d’en sortir.
Adrien : Pour certaines personnes, il s’agit aussi de s’inscrire dans un mode de vie alternatif, plus proche de la nature et de vivre selon une approche plus minimaliste. Les résident·e·s s’accomodent facilement aux contraintes liées à ce mode de vie (promiscuité, confort relatif, partage d’espaces communs) au vu des avantages qu’elles et ils trouvent dans cette manière de vivre, notamment la possibilité d’avoir un jardin ou encore l’entraide entre les habitant·e·s.
« Pour certaines personnes, il s’agit aussi de s’inscrire dans un mode de vie alternatif, plus proche de la nature et de vivre selon une approche plus minimaliste. »
Quel sont les éléments qui vous ont le plus marqués durant votre enquête ?
Adrien : Je m’attendais à rencontrer une majorité de personnes retraitées. Or le profil des résidentes et résidents est très varié. Nous n’avons d’ailleurs pas réussi à interviewer une seule personne retraitée.
Robin : Les stéréotypes qu’on peut avoir sur cette forme d’habitat qui concernerait des personnes marginalisées s’avèrent être totalement infondées. Nous avons rencontré par exemple une personne travaillant dans la finance. Le contraste entre son habitat et ses costards était étonnant.
« Les stéréotypes qu’on peut avoir sur cette forme d’habitat qui concernerait des personnes marginalisées s’avèrent être totalement infondées. »
À la lumière de votre étude, pensez-vous qu'il soit nécessaire d'accroître la recherche scientifique sur ce phénomène en Suisse et pourquoi ?
Robin : Le camping résidentiel peut être une alternative intéressante pour faire face à la pénurie de logements et à la fermeture récente d’une structure d’hébergement d’urgence lausannoise. Ce mode d’habiter peut représenter une solution de logement palliative pour certains individus en situation de précarité résidentielle et/ou économique. Des études sur ce phénomène permettront d’éviter la stigmatisation des personnes recourant au camping et de lutter contre de nombreux préjugés. Notre travail montre que les individus interrogés ne sont ni des « marginaux », ni des « alcooliques » notoires comme nous avons pu le lire dans différents articles de presse.
Adrien : Considérer le camping résidentiel comme une opportunité de lutte contre la précarité résidentielle et/ou économique pourrait aussi avoir une influence sur la loi en vigueur qui interdit actuellement d’établir sa résidence principale dans un camping. Cette législation est un grand facteur de stress pour les résidentes et résidents qui craignent de se retrouver du jour au lendemain sans solution de logement. La recherche pourra légitimer et démocratiser ce mode d’habiter aux yeux de la population et des autorités.