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Une recherche HETSL sur le foot féminin mise à l'honneur à Visions du réel


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Le documentaire “Kevine et Fortune”  basé sur une recherche de Béatrice Bertho et Dominique Malatesta, a été très bien reçu au festival nyonnais.

Succès pour “Kevine et Fortune”, réalisé par Sarah Imsand et produit par Irene Munoz, diffusé devant une salle comble de 250 personnes à Nyon, dans le cadre du festival Visions du Réel. Le documentaire tient son origine de la recherche de la HETSL “Kick it like a girl: Young Women Push Themselves Through Football in the African Public Space”, menée en partenariat avec des équipes de recherche de l’Institut de Hautes Études et du Développement (Genève), de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (Yaoundé, Cameroun) et de l’Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal). Cette recherche sur le football féminin et les enjeux qu’il soulève en termes de citoyenneté en Afrique, soutenue par le FNS, a été dirigée par Dominique Malatesta et coordonnée par Béatrice Bertho.

Présentes dans la salle, ces chercheuses de la HETSL ont pu constater l’intérêt nourri du public pour ce sujet. “Le film arrive à un moment propice, remarque Béatrice Bertho, soit deux mois avant la Coupe féminine de l’UEFA qui aura lieu au mois de juillet en Suisse. En Europe, l’intérêt pour le football féminin s’est accru étape par étape depuis la coupe du monde 2019 en France. Au Cameroun, l’engouement date de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2016, avec le succès des Lionnes indomptables, l’équipe nationale féminine du Cameroun, alors que l’équipe nationale masculine enchainait les mauvaises performances. On a alors vu le public, aussi bien les femmes que les hommes, arborer des maillots des Lionnes indomptables dans la rue.”

« Contrairement à d’autres sports comme le basketball, le football est mal vu pour les femmes au Cameroun. Les coaches doivent faire un travail de négociation auprès des familles, afin que de bonnes joueuses aient une chance de progresser et qu’elles soient soutenues »

Béatrice Bertho

Esthétique et intime, le film aborde essentiellement l’amitié entre deux joueuses de football camerounaises et laisse se deviner, en filigrane, les enjeux portés par la recherche. Un parti pris assumé par la réalisatrice Sarah Imsand, qui assume n’avoir gardé que peu de scènes de football.

A quel point le film diffère-t-il du projet de recherche initial? “Kevine et Fortune ont collaboré au projet depuis 2020, raconte Béatrice Bertho. C’est par trois coaches de football, deux hommes et une femme, que nous avons d’abord rencontré Fortune, par qui nous avons ensuite connu Kevine ainsi que deux autres joueuses, Viviane et Mewali. Elles ont pris une part active au projet et leurs histoires résonnent avec des thèmes  importants qui ont émergé au cours de la recherche ethnographique. Notamment la difficulté pour les filles de pouvoir jouer au football: contrairement à d’autres sports comme le basket qui se pratique dans des espaces dédiés, le football est mal vu pour les femmes. Entre autres parce qu’il ne permet pas de garder le contrôle sur les corps féminins dans les espaces ouverts où il se joue. Les coaches doivent faire un travail de négociation auprès des familles, afin que de bonnes joueuses aient une chance de progresser et qu’elles soient soutenues.”

Lorsque l’argent rentre, “le discours familial change” et se montre nettement plus encourageant souligne la chercheuse. “On ne le voit pas dans le film, mais c’est le cas chez Fortune et Kevine, qui ont eu l’occasion de participer à des compétitions internationales, avec des primes substantielles à l’appui.”

« Le film arrive à un moment propice, soit deux mois avant la Coupe féminine de l’UEFA qui aura lieu au mois de juillet 2025 en Suisse. »

Béatrice Bertho

Un autre thème central de la recherche est la différence de traitement entre les hommes et les femmes, qui se voit dans les moyens mis à disposition - elle doivent elles-mêmes acheter leur eau minérale pendant les matches - et les primes des joueuses et des coaches en première league qui sont 3 à 5 fois inférieures à celles des hommes.

Un autre thème gravitant autour du football féminin est “le soupçon de lesbianisme” qui pèse sur les joueuses - les pratiques homosexuelles étant punies par la loi au Cameroun.

Le recherche de Béatrice Bertho et Dominique Malatesta contenait aussi un volet de communication, avec un “digital storytelling” alimenté par les joueuses de football qui s'expriment à la première personne et documentent leur réalité.

“Kevine et Fortune” aurait-il vu le jour sans la recherche de la HETSL? “La production d’un film documentaire faisait partie de la requête initiale de financement que nous avons déposée en 2018 auprès du FNS, rappelle Béatrice Bertho. Nous avons mis en contact la réalisatrice avec les personnes participant à notre recherche et ces dernières ont accepté de figurer dans le film grâce au lien de confiance que nous avons pu créer en amont. Entre temps, le film s’est largement émancipé par rapport au projet de départ et il a pris de l’ampleur, en collaboration avec la Haute Ecole d’Art et de Design (HEAD, Genève) et grâce à l’engagement de la productrice Irene Munoz, et son association Autre Terre”

Il faudra attendre que le film finisse sa tournée des festivals pour le voir au CityClub de Pully et à la télévision. 

En avant-goût, le trailer