Introduction

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Disposer d’un toit a permis aux locataires de cesser de courir d’un abri d’urgence à l’autre, de se reposer, s’occuper de leur situation administrative, scolariser les enfants, contracter des assurances maladie, régulariser leur situation. Cette expérience extraordinaire de retour à l’ordinaire est relatée en détail dans le rapport de la Haute école de travail social et de la santé de Lausanne (HES-SO).

Afin d’exploiter au mieux les résultats de cette première expérience et questionner les politiques d’aide sociale au logement, le Sleep-In a mandaté une équipe de chercheur·e·s de la HETSL pour documenter le projet, sous forme d’une ethnographie, en s’intéressant au vécu des locataires et au travail d’accompagnement du Sleep-In. De nouvelles précarités apparues avec le COVID-19 ont pu être objectivées dans l’étude. Des recommandations concernant l’accès au logement et aux soins ainsi que le respect du droit du travail complètent l’analyse.

Les travaux de la gare de Lausanne mettront fin à l’expérience en juin 2021. Ils obligent dès aujourd’hui les autorités concernées et le Sleep-In à trouver des solutions pour reloger les personnes et à tirer un premier bilan de cette expérience.

Le mandat et la méthode

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En plus d’une analyse statistique réalisée sur la base des données fournies par l’équipe du Sleep-In, une ethnographie a été réalisée par les chercheuses au Simplon de décembre 2020 à mars 2021.

Permanences sociales

Ces dernières se sont régulièrement rendues aux permanences sociales qui se tiennent depuis novembre 2020, deux fois deux heures par semaine.

Au cours de ces permanences, les personnes installées au Simplon peuvent venir poser des questions et exposer leurs problèmes d’ordre matériels, administratifs, et autres.

Deux membres de l’équipe du Sleep-In les accompagnent dans la résolution de ces problèmes, en les guidant dans les méandres de l’administration, dans la prise de rendez-vous, en les aidant à remplir et imprimer des documents, en négociant la suspension ou l’échelonnement de factures, etc.

Les chercheuses ont documenté, par la tenue d’un journal de terrain, ces situations présentées à la permanence, les échanges occasionnés et la complexité des démarches administratives entreprises.

Entretiens approfondis

Elles ont également réalisé des entretiens approfondis avec 11 locataires qui ont été d’accord de les recevoir chez elles et eux, ainsi qu’avec 4 membres de l’équipe du Sleep-In plus particulièrement impliqué dans le projet Simplon.

A ces entretiens s’ajoutent nombre d’échanges et de discussions informelles avec le personnel et les locataires qui ont eu lieu à différentes occasions : lors des permanences, dans les couloirs de la maison, chez les locataires, et qui sont reportés dans les journaux de terrain.

Séances collectives

En fin de mandat, deux séances collectives ont été organisées à la permanence avec plusieurs locataires, les deux chercheuses et un membre de l’équipe du Sleep-In.

Au cours de ces séances ont été discutées différentes manières d’illustrer de façon visuelle les expériences des personnes logées au Simplon, qui ont abouti sur des photos, prises par les personnes elles-mêmes (voir par exemple : Famille Faye) ou en collaboration entre les chercheuses et les personnes (voir par exemple : Adama).

Le dispositif d’urgence : une réponse en décalage avec la réalité du sans-abrisme

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À Lausanne, les personnes sans abri peuvent accéder, à des conditions variables selon leur catégorisation par le service social de la ville, à des hébergements d’urgence nocturne, et ce pour 5 CHF par nuit. Ce dispositif a une capacité de 57 lits en été, portée à 114 en hiver, et plus en cas d’activation du « Plan Grand Froid ». Par ailleurs, depuis 2016, la Fondation Mère Sofia ouvre aussi en hiver une structure d’accueil de nuit inconditionnelle et gratuite. Pendant la pandémie du coronavirus, le dispositif a été augmenté pour permettre le confinement de toutes les personnes sans abri.

Ouverts depuis les années 1990, la Marmotte (gérée par l’Armée du Salut) et le Sleep-In ont été initialement conçus pour proposer un hébergement d’urgence nocturne à des personnes de la région sans logement vivant un moment difficile de leur existence, ayant un accès formel à l’aide sociale mais n’y recourant pas, ou irrégulièrement. C’est cette figure de personne sans abri « marginale » qui domine aujourd’hui les représentations, bien que le sans-abrisme ait beaucoup changé ces vingt dernières années.

D’une part, le nombre de personnes concernées a énormément augmenté, au point qu’à Lausanne le nombre d’hommes et de femmes de tout âge ainsi que de familles cherchant un lit pour la nuit excède constamment la capacité des hébergements d’urgence. D’autre part, ces personnes présentent des situations hétérogènes, la représentation dominante ne correspondant qu’à une partie de la réalité. A Lausanne comme ailleurs en Europe, les personnes sans abri sont pour partie des résident·e·s de la commune ou du canton ayant perdu leur logement, pour partie des migrant·e·s économiques provenant de pays de l’Union européenne qui se déplacent, parfois en famille, pour trouver des moyens de subsistance et rentrent chez eux après quelques années ou lorsque l’absence d’opportunités d’emploi est associée à l’absence de chez-soi. Parmi ces migrant·e·s européen·ne·s, les groupes ethnicisés sont sur-représentés. D’autres personnes sans abri sont, en Suisse et en Europe, des ressortissant·e·s de « pays tiers », en possession d’un visa ou d’un titre de séjour délivré par un État membre de l’espace Schengen.

Relevons encore que les personnes qui vivent à la rue et dans les hébergements d’urgence ne constituent qu’une partie des personnes en exclusion de logement, cette dernière touchant tant des résident·e·s que des migrant·e·s pauvres logé·e·s dans des chambres d’hôtel, des caravanes, des squats, des sous-locations, etc.

Le site de la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri (FEANTSA) présente une typologie de l’exclusion liée au logement (ETHOS), de nombreuses analyses, ainsi que les projets auxquelles elle participe.

Découvrir le parcours de personnes logées au Simplon, illustrant cette diversité

Les effets de la politique d’urgence

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L’urgence, ça ne marche pas. Enfin, ça marche dans des situations urgentes, mais vu que les gens sont dans une temporalité qui est longue, qui va de mois à des années et des années, et bien, il faut autre chose. Parce que les abris d’urgence, ça rend juste les gens fous.

Charlotte, collaboratrice du Sleep-In

A partir des années 1980 dans les Nords, au début des années 1990 en Suisse romande, l’urgence sociale s’est imposée comme réponse au sans-abrisme, avec une focalisation sur les besoins immédiats des personnes concernées et sur des solutions à court terme.

La sociologie a bien documenté la politique de l’urgence comme réponse au problème social du sans-abrisme et ses effets délétères sur les personnes concernées. Elle permet certes d’abriter, à des conditions variables, certaines personnes pour la nuit. Toutefois, l’accueil inconditionnel qui fonde en principe cette politique s’accompagne de mesures limitant la qualité de l’accueil et la quantité de places disponibles.

Une des conséquences est le turn-over des personnes hébergées et leur remise systématique à la rue, avec leurs affaires, chaque matin. Deux témoignages :

Vous êtes à 8 heures du matin dans la rue, tout le monde vous regarde. Ils savent très bien que vous êtes dans la rue, parce que les gens, à 8h, ils sont à la maison. Et ça fait toujours des drôles de regards que j’évite au maximum.

Julie, locataire

Je dormais, je me réveillais, j’allais travailler ; je me levais, vous revenez, vous devez attendre jusqu’à 21heures pour rentrer (…) Généralement, c’est à la biblio qu’on partait, dans le hall, là vous restez là-bas où c’est chaud, pour passer le temps. Mais bon, quand vous venez vous avez encore les trucs de travail, ce n’est pas facile. Après bon, ils ouvraient à 21h, vous rentrez, le temps de manger quelque chose, de vous laver, vous dormez à 22h-23h, vous vous levez à 5h heures, après bon, au travail tu es fatigué ; pendant la pause vous faites la sieste.

Joe, locataire

Le quotidien du sans-abrisme est épuisant, y compris lorsqu’une personne peut fréquenter un accueil d’urgence pour la nuit. Ce quotidien installe les personnes dans une série de contraintes qui s’alimentent mutuellement comme le souligne Joe : « On tourne en rond et à la fin on n’avance pas ».
Sans logement, il est difficile d’accéder à un emploi fixe et sans emploi fixe, il est impossible d’accéder à un logement. L’absence de solution de stabilisation installe donc les personnes sans abri dans des degrés d’inconfort et d’instabilité très élevés, conduisant de fait à une chronicisation de l’urgence, comme le souligne un collaborateur du Sleep-In : « Et il y en a certains, ça fait bien dix ans qu’ils sont dans le système d’hébergement d’urgence ».

La politique de l’urgence telle qu’elle fonctionne, en décalage avec la réalité du sans-abrisme, a également des conséquences sur le personnel, dont le travail peut paraître vain, voire maltraitant. Travailler dans un hébergement d’urgence consiste en effet à accueillir, mais également à renvoyer des personnes.

La vie entre hébergements d’urgence et rue épuise, expose à toutes sortes de dangers, interdit de trouver un emploi fixe et de scolariser ses enfants. Le logement d’urgence, tout nécessaire qu’il soit, n’est pas à terme une solution.

Sur la base de recherches scientifiques ainsi que de mouvements citoyens, des solutions de logement pérennes, basées sur le droit, ont été pensées et mises sur pied dans différents pays européens en plus, ou en substitution de la réponse urgentiste, en particulier le Housing first ou Logement d’abord. C’est l’idée expérimentée par le Sleep-In au Simplon .

La mise en place du projet de la rue du Simplon

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Le projet Simplon s’est réalisé via une association entre le Sleep-In et l’ALJF, qui fait suite à plusieurs rencontres entre les deux associations et une conférence de presse en 2019 autour de la pénurie de logements à Lausanne et du constat que plusieurs bâtiments sont pourtant laissés vides. L’ALJF défend le droit au logement, en fournissant à des jeunes en formation des chambres bon marché grâce à des contrats de prêt à usage avec les propriétaires de bâtiments temporairement inoccupés. L’ALJF avait notamment négocié un contrat de prêt à usage avec les CFF pour un bâtiment, rue du Simplon, voué à la démolition en raison de l’agrandissement de la gare de Lausanne. Une partie des logements restant vacants, cette association et le Sleep-In se sont entendus pour y loger des personnes sans abri. Le service social de Lausanne, qui subventionne le Sleep-In, n’a pas avalisé ce projet.

Pour le personnel du Sleep-In, c’était l’occasion de favoriser la stabilisation d’une partie des personnes sans abri :

Nous, le but vraiment, on s’est dit que ce projet-là, il sert de tremplin, à permettre de stabiliser les personnes, s’ils ont peut-être un travail précaire, peut-être le fait d’avoir un toit, je ne sais pas, avec le temps ils vont pouvoir, avec un travail stable, peut-être un CDI, après ils peuvent faire le permis. Du coup, dès qu’ils ont ces deux variables, on peut leur proposer un logement sur le marché.

Ilyan, collaborateur du Sleep-In

Selon le fonctionnement de l’ALJF, les locataires n’ont pas de loyer à payer mais assurent les charges. Le Sleep-In s’est engagé à ce que les locataires versent un forfait de CHF 150 par mois pour ce logement. Cela correspond au coût à payer dans les hébergements d’urgence (CHF 5 par nuit).

L’équipe du Sleep-In a dû choisir quelles personnes loger dans les 23 appartements disponibles. Le principe pivot du choix opéré a été d’installer au Simplon des personnes qui, y compris selon la vision politique de la ville, devraient avoir accès à autre chose qu’à de l’hébergement d’urgence :

Dans la projection qu’on avait, c’était vraiment essayer de faire une sortie vers le haut du Sleep-In à ici, et d’ici au marché actuel. Voilà. Pour un peu les types de populations, enfin on a vraiment un peu de tout. On a autant des personnes qui touchent des aides sociales, que des gens qui, de toutes origines, des familles que, grâce au logement, ils ont pu scolariser leur enfant.

Ilyan, collaborateur du Sleep-In

Ce principe a conduit à proposer un logement au Simplon à des familles, à des personnes âgées ou fragiles qui se trouvaient depuis longtemps dans le système d’hébergement d’urgence et à des personnes issues de pays de l’UE/AELE travaillant de manière déclarée, et suffisamment régulièrement (au moment où les choix ont été faits) pour espérer l’obtention ou la prolongation d’un permis en vue de leur stabilisation sur le marché du logement. Ce choix n’a bien entendu pas été facile à faire pour le personnel, parce qu’il a laissé sur le carreau (ou le pavé) une majorité de personnes, des jeunes hommes originaires notamment d’Afrique de l’Ouest, dont le recours à l’urgence et à ses effets délétères n’est pas davantage justifié.

Quelques chiffres pour comprendre qui sont les personnes logées au Simplon

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23 appartements = 56 personnes logées.
Une à 6 personnes par appartement.

35 hommes et 10 femmes.
Âge moyen : 32 ans.
Trois personnes ont l’âge de la retraite.
Le doyen a 78 ans.

11 enfants (de 1 à 15 ans) : 6 vont à l’école à Lausanne.

Diversité des nationalités : UE, suisse, autres continents.

Diversité des statuts de séjour : permis B, permis C, permis L, sans permis, suisse.

Deux tiers des hommes et un tiers des femmes d’âge actif ont un emploi ; deux personnes sont en formation.

Quelques moments marquants

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L’installation

Les personnes sans abri se sont installées en novembre 2019 au Simplon avec l’aide de l’équipe du Sleep-In. Certains appartements étaient impeccables et propres mais d’autres ont dû être remis en état. Il a fallu faire des petites réparations, par exemple des trous dans les murs, et faire des travaux de peinture. Des locataires, notamment ceux qui travaillent dans le bâtiment, se sont chargés de ces travaux. Il a également fallu meubler les appartements et équiper les cuisines. Cela s’est fait avec l’aide d’une personne qui stocke des meubles dans un grand hangar et les met à disposition de celles et ceux qui en ont besoin. L’équipe du Sleep-In a loué une camionnette et fait le déménagement. Les locataires ont ensuite investi leurs appartements selon leurs goûts, certain·e·s les ont décorés, en ont fait des lieux très « cosy ».

S’agissant d’un immeuble en voie de destruction, certains problèmes n’ont pas pu être réglés :  des appartements étaient insuffisamment chauffés en période de grand froid ; dans d’autres, le mitigeur de la cuisine ou de la douche ne fonctionnait pas. Les locataires s’en sont accommodés : « Je comprends qu’ils ne font plus rien vu que la maison va être détruite. C’est normal. Là, je ne réclame pas » (Julie, locataire). Ils et elles se sont acheté un radiateur d’appoint ou ont fait manuellement le mélange eau chaude / eau froide. De leur point de vue, malgré ces petits inconforts, l’installation dans ces appartements n’a eu que des effets bénéfiques sur leurs existences. Ils et elles relèvent notamment le bien-être ressenti à pouvoir entrer et sortir de chez soi quand on le souhaite, dormir à son rythme et ainsi avoir l’énergie pour le travail, pouvoir « faire famille », et tout simplement, se sentir un être humain.

Eh bon ! Ça, même ce n’est pas à dire ! A celui qui a dormi… qui n’a pas de logement, qui tourne, cette nouvelle, il est content !

Issa, locataire

Depuis qu’on a cette maison, que de bonnes choses (…) avec la maison on se sent bien avec la famille.

Alizée, locataire

Je suis super-content, c’est l’aide de Dieu. Si je peux dormir mieux, si j’ai un lieu pour rester la journée, j’ai du temps pour chercher un boulot.

Au niveau émotionnel tu te sens un humain, tu n’es plus un chien.

Thomas, locataire

Les dénonciations

La vie au Simplon n’a pas trouvé immédiatement son rythme de croisière, car deux problèmes sont survenus rapidement.

Une ou deux familles ont accueilli d’autres personnes sans abri, entrainant une sur-occupation de leurs appartements. D’autres locataires se sont plaint des nuisances occasionnées, dénonçant au passage des comportements inappropriés.

Dans le même temps, trois articles parus dans le journal 20 minutes dénonçaient des pratiques de mendicité sur le boulevard de Grancy tout proche et un non-respect des mesures de distanciation. L’auteur de ces articles y dénonçait – sans autre preuve qu’une photo de locataires à leur balcon – les « familles roms » logées au Simplon. Outre le stress ressenti par les femmes dont cette photo, prise dans leur espace de vie et sans consentement, était ainsi jetée en pâture, ces articles ont conduit les CFF à menacer l’ALJF de rompre le contrat du Simplon si des « familles roms » y demeuraient logées.

Des discussions ont été menées entre l’ALJF et le Sleep-In, avec les familles, ainsi qu’entre les familles, à la suite desquelles l’équipe du Sleep-In a pris des mesures. L’appartement dans lequel il y avait trop de passage a été vidé de ses occupant·e·s, une autre famille a reçu un avertissement, et d’un commun accord, les autres locataires ont convenu de ne plus inviter d’autres membres de leurs familles à résider dans leurs appartements.

Après cet épisode, plus aucune plainte n’a été exprimée au sein de la maison, ni à propos de ses locataires. Ces derniers cohabitent paisiblement et de façon très « ordinaire », certains et certaines se préoccupant peu de leurs voisins tout en les respectant, d’autres investissant plus la collectivité en veillant à l’entretien des lieux, liant des amitiés, s’entraidant dans la recherche d’emploi, la rédaction de CV, le partage de nourriture, etc.

Le confinement

Au printemps 2020, les locataires du Simplon, comme toutes les autres personnes disposant d’un logement, se sont confinées chez elles pour respecter les mesures sanitaires prises en vertu de la crise du coronavirus. Comme pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses précaires, leurs possibilités d’embauche ont diminué drastiquement. En effet, plusieurs contrats arrivés à leur terme pendant la pandémie n’ont pas été reconduits, des chantiers ont fermé et on a moins embauché, particulièrement des intérimaires. L’absence de revenus a posé un problème de survie aux locataires les plus démuni·e·s. L’équipe du Sleep-In a constaté que certain·e·s survivaient avec la Soupe Populaire, ou l’Espace pour les petits déjeuners. Elle a alors organisé des distributions de bons d’achat et de nourriture, grâce à un surplus obtenu auprès de la Centrale d’Achat de la Région Lausannoise (CA-RL) et de diverses associations.

La permanence sociale

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Une fois l’installation des locataires réalisée, les membres de l’équipe du Sleep-In ont voulu se faire un peu plus discrets, les laisser mener leur vie. Mais ils et elles ont réalisé que certain·es locataires rencontraient des difficultés pour stabiliser leur situation.

En novembre 2020, l’équipe du Sleep-In a donc mis en place un accompagnement social structuré. Deux fois par semaine pendant deux heures, des membres de l’équipe se sont mis à la disposition des locataires dans un local partagé avec d’autres associations, au rez de l’un des immeubles. Les faibles moyens à disposition de l’équipe, un matériel informatique inadapté et le fait que le local soit partagé, et non dédié, ont constitué des obstacles certains à l’accompagnement des personnes. Les membres de l’équipe ont toutefois contourné ces difficultés et ont bricolé leur mission du mieux possible. S’ils et elles n’ont pas de formation en service social, leur expérience et leur réseau personnel et professionnel étendu, dans le réseau bas seuil lausannois et au-delà (avocats, gérances, assistant·e·s sociales, etc.) leur ont été très utiles.

Les besoins en accompagnement ont été très variés :

  • Identification : renouvellement ou établissement de papiers d’identité.
  • Régularisation de séjour : établissement ou renouvellement d’un permis de séjour.
  • Recherche de logement sur un marché locatif extrêmement tendu et peu favorable aux petits revenus. Cette activité a eu tendance à prendre le pas sur toutes les autres à l’approche de la date de fin du projet du Simplon (mi-juin 2021).
  • Santé : souscrire à une assurance santé et/ou obtenir des subsides, financer des soins.
  • Recherche d’emploi : rédaction de CV et de lettres de motivation, constitution de dossier pour l’ORP.
  • Clarification de situations d’endettement et échelonnement de dettes.

Ces demandes exprimées ou identifiées à la permanence sociale correspondent en majorité à des problèmes administratifs complexes qui impliquent d’interagir avec différent·e·s interlocuteurs et interlocutrices, ou guichets. De manière générale, interagir avec les services publics ou les institutions requiert une bonne maîtrise du français et des pratiques administratives.

La permanence sociale a également été un espace d’échange, de discussion et de partage : sur la table du coin salon étaient disposés des fruits et des biscuits, et il était possible de venir y prendre un thé ou un café. Des personnes sont régulièrement passées saluer, échanger un moment entre elles ou avec l’un des membres de l’équipe, prendre des nouvelles et en donner, pousser « un coup de gueule » lorsqu’elles venaient de subir un moment éprouvant ou, plus rarement, partager une joie.

 

Quelques parcours

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Ketema est un homme dans la trentaine qui travaille via une agence temporaire dans une entreprise de voirie, quelques jours par semaine, plus précisément dans le déchargement de camions. Il lui est difficile de trouver un travail fixe, en particulier durant cette période de pandémie : « La vie est trop dure », estime Ketema. Il a un passeport italien, parle couramment l’italien, et se débrouille en français. Il est venu en Suisse deux ou trois ans auparavant pour travailler et « changer de vie ». Avant d’être installé au Simplon, il « tournait » à la Marmotte, à Yverdon-les-Bains, à Bienne, au gré des emplois qu’il parvenait à obtenir et, pour dormir, des places disponibles dans les hébergements d’urgence. Lorsqu’il ne travaillait pas, pour rester au chaud la journée, il se rendait à Lausanne au « Café social », un lieu d’accueil bas seuil qui offre des petits-déjeuners le matin aux personnes sans abri. Ketema fait partie des premières personnes qui ont pu s’installer à l’avenue du Simplon en décembre 2019. Il explique que « c’est beau » d’avoir cet appartement : il peut y manger, il y a le chauffage, mais il lui manque un travail régulier et de l’argent. Avoir une résidence lui a toutefois permis de « faire des documents », bien qu’il trouve difficile de gérer l’administratif. Notamment, avoir une adresse lui a permis d’ouvrir un compte en banque et d’être payé à son nom ; précédemment, il devait faire verser son salaire sur le compte d’un ami. Ketema partage un deux-pièces avec un colocataire avec lequel il s’entend bien. Son appartement est agréable et accueillant. Dans la cuisine, des provisions sont rangées sur une étagère. Dans sa chambre, de grands rideaux orange couvrent les fenêtres et dispensent une belle lumière. Des habits de travail sèchent sur le radiateur. La santé, « ça va, grâce à Dieu », et tant mieux car Ketema n’a pas d’assurance maladie. Il aimerait se stabiliser en Suisse.

Ali est originaire du Maroc et a vécu en Italie pendant 10 ans. Il est arrivé en Suisse une année et demie plus tôt, suite à une rupture après une longue relation de concubinage. Sans domicile, il travaillait tout en fréquentant les hébergements d’urgence nocturne, ce qui est particulièrement difficile : il terminait son travail à 17 h. alors que les hébergements ouvrent à 20 heures. Il était donc seul jusqu’à 20 h., sans possibilité de se poser ou se reposer.

Ali a été logé au Simplon en novembre 2019. Il estime qu’on lui a proposé cette solution en raison de son bon comportement dans les hébergements d’urgence : il payait la nuit, il est ordré. Il partage son deux-pièces avec une personne qu’il connaissait au préalable. Ils s’étaient rencontrés 3 ou 4 mois plus tôt, alors qu’ils fréquentaient tous deux les hébergements d’urgence et travaillaient au même endroit, et ils s’entendent bien. Les meubles ont été amenés par l’équipe du Sleep-In « qui est vraiment bien ». Ali a été très content quand il a su qu’il pourrait habiter en appartement : « Tout a changé en bien. Il n’y a rien qui a changé en mal » parce que, explique-t-il « avoir un appartement, c’est la moitié de la vie ». Il n’y a « aucun inconvénient, seulement des avantages » : avoir un logement à soi permet de manger, de se laver, la propreté, ainsi qu’un certain anonymat : les gens ne s’intéressent pas à lui, il peut marcher librement dans les rues.

Ali a fait au Maroc une formation tout à fait différente du travail qu’il a trouvé en Suisse, où il a été engagé dans le bâtiment et dans le nettoyage. Il est intérimaire et prend les emplois que l’agence lui propose : « J’accepte tout avec les agences d’intérim. Mais le Covid a bloqué tout ces trois derniers mois » si bien qu’il travaille désormais au mieux « à la semaine ». Il espère retrouver du travail « au mois 4 [avril], car c’est au mois 4 que le boulot commence ». Comme il est citoyen européen, le travail « est obligatoire pour pouvoir rester ». Il en est actuellement à son deuxième permis L et souhaiterait accéder à un permis B, qu’il faut « demander à son patron ». Avoir un permis B donne en effet accès à la possibilité d’une location, mais aussi à une carte de Postfinance qui permet le crédit. Pour le moment, juge-t-il, il a des devoirs d’un résident, comme payer la taxe de redevance radio TV (diminuée à 282 francs puisqu’il n’a pas de TV), mais peu de possibilités.

Ali n’aime pas « tendre la main ». Il trouve toutefois que l’aide reçue par l’équipe du Sleep-In est une aide « avec honneur ». Il la remercie pour cela.

Ali exprime une réelle angoisse et une impuissance devant la perspective d’une remise à la rue. Il sent qu’il n’a pas beaucoup de résistance, et il ne se voit pas affronter « une autre équipe de problèmes ». S’il doit quitter cet appartement, il sera « difficile » pour lui « de résister ». Il ne veut « pas revivre cette histoire. Il était préparé mentalement pour la première fois », mais pas pour une deuxième. « On a peur de sortir d’ici », dit-il. « Nous n’avons pas de ressources », « on survit ». Ali image son existence actuelle avec un souvenir d’enfant : dans le Sud du Maroc, il lui arrivait de traverser une rivière à la nage, quand on part depuis un bord, on dévie, et on sait qu’on va arriver plus loin sur l’autre bord, et non pas droit en face, mais sans savoir exactement où. Il se sent maintenant au milieu de la rivière : « Je suis rentré dans une rivière, il faut la traverser ».

Il aimerait trouver ici un travail, une chambre et avoir l’opportunité de refaire sa vie. Si ça ne marche pas, il partira, mais ce sera « très difficile de recommencer, de faire un autre voyage ». Il a plus de 50 ans et juge qu’il peut refaire sa vie, et honnêtement : « J’ai vécu juste, je veux mourir juste ». Ce qui lui manque, c’est de s’installer et de « vivre comme un être humain ».

La famille Carmine, Pierre le mari, Alizée l’épouse et leur fils de 7 ans, Julien, est originaire de Roumanie, mais Pierre et Alizée viennent de passer une dizaine d’années dans le Sud de la France. Avec une partie de leur famille, ils étaient « installés » dans des campements. Leurs conditions d’existence relevaient alors de la quatrième catégorie ETHOS : « des logements inadéquats (dans des caravanes sur des terrains de camping illégaux, dans des logements insalubres, dans des conditions de surpeuplement extrême) ». Alizée explique que Pierre travaillait alors pour « 1200, 1000 euros » dont « il ne restait rien » une fois réalisées les dépenses assurant le minimum vital. En France, Pierre a travaillé de manière non déclarée pendant 4 ans, puis un assistant social l’a aidé à remplir des papiers pour se déclarer. Pensant à ceux de ses parents âgés ou malades qui vivent dans des conditions de dénuement extrême, il tient à pouvoir accéder aux assurances, en particulier au chômage et à la retraite.

En 2019, la famille s’est déplacée en Suisse dans l’espoir d’améliorer ses conditions d’existence. Avec son travail, Pierre soutient également une dizaine de personnes de sa famille. Les Carmine ont quitté le Sud de la France sans aucune affaire, raconte Alizée, « même pas des sacs. On n’avait rien. Juste le petit, moi et mon mari. » À Lausanne, la famille passe une semaine à la rue : « Il y avait la pluie, Julien avait froid, il était malade, il n’était vraiment pas bien » ; quand Pierre tentait de les couvrir au mieux pour la nuit, « je pleurais », se souvient-elle. Alizée et son fils ont ensuite accédé aux hébergements d’urgence mais, en raison des critères de priorisation, Pierre est souvent refusé. Jeune et solide, il trouve rapidement du travail sur les chantiers, mais la famille demeure sans domicile. Ces conditions d’existence sont difficilement supportables. Les abris ouvrent à 21 h 30, heure à laquelle Alizée et son fils peuvent enfin « rentrer et dormir », mais le matin, « on est sorti à 8 h. Pour les enfants, ça ne va pas du tout » ; et pour « mon mari, quand il avait le travail, [il était] fatigué, dégueulasse, tout ça. On n’était pas bien. »

En novembre 2019, le personnel du Sleep-In propose à la famille Carmine un appartement au Simplon. La situation de disposer d’un logement est sans commune mesure avec la situation précédente : « Ca change tout ! », s’exclame Pierre en riant : la fatigue a disparu, parce qu’il est devenu possible de se reposer. On n’a plus froid. Et puis Julien a pu être scolarisé. Les parents sont très contents « parce que peut-être qu’il va sortir quelque chose quand il va grandir », explique Alizée, « il va apprendre à lire, à parler. Il va compter, tout ». Ni elle ni Pierre, qui ont passé leur enfance en Roumanie, n’ont réellement pu suivre de scolarité. Ils ne savent pas bien lire, ni écrire. Pierre a toutefois appris seul à lire en regardant les sous-titres à la télévision si bien que, précise-t-il : « il m’est plus difficile de lire lorsque les lettres sont liées » et il conclut en riant : « J’écris comme mon fils! » Puis il cesse de rire et admet que « c’est humiliant et ennuyant ». Par exemple, comme il aimerait faire son permis de conduire (bien qu’il sache déjà conduire), il est allé s’inscrire dans une auto-école, mais on lui a dit de commencer par prendre des cours d’alphabétisation. Il compte bien commencer, mais là, alors qu’il travaille sur les chantiers, il n’en a pas trop l’énergie ; il pense que ce sera difficile.

En janvier 2020 et, en pleine crise Covid, Pierre perd son travail et demeure 6 mois sans contrat, ce qui ruine son projet d’accéder à un permis L. Sur un chantier, un contremaitre lui a dit de ne pas revenir le lendemain, arguant que l’ouvrier qu’il remplaçait revenait de vacances. Pierre a obtenu les trois jours de délai réglementaires avant de s’en aller, mais cet épisode l’interroge, car un ami lui a appris que personne n’était venu le remplacer : « Il ne voulait pas travailler avec moi. Je ne sais pas, peut-être ma peau, parce que je suis gitan. » Pierre se sent « roumain » et « rom ». En été 2020, il retrouve enfin du travail via une agence intérim, qui l’envoie sur différents chantiers, à Nyon, Renens, Lausanne, où il œuvre comme maçon B ou comme manœuvre. Son travail, explique-t-il, consiste à faire ce qu’on lui dit : vider les conteneurs, balayer, conduire une pelle mécanique (qui demande des compétences qu’il n’a pas, tient-il à préciser). Le travail est parfois très physique (sur un chantier qui a duré deux mois en septembre, il devait changer deux fois son T-shirt par jour tellement il avait chaud, alors qu’il faisait froid), mais parfois le travail est facile. En revanche, Pierre se sent toujours en sursis : s’il souhaite obtenir un contrat fixe, il faut « avoir des relations », bien s’entendre avec le contremaitre ou le chef de chantier.

En janvier 2021, alors que l’agence intérim lui avait garanti du travail pour les 6 premiers mois de 2021, il est à nouveau débauché : un chantier est fini et les problèmes météo retardent le démarrage d’un autre chantier. Dans de tels cas et comme il l’explique, « on ne garde pas les intérimaires ». Heureusement, Pierre est vite réembauché et, en février, il obtient un permis L. Il est extrêmement heureux.

Quant à Alizée, elle n’a pas d’emploi pour le moment, mais aimerait faire « du ménage, ou bien garder les enfants » parce que faire vivre trois personnes avec le seul salaire de son mari, c’est difficile : « C’est cher la vie, ici ». Mais elle ne s’ennuie pas : « À cinq heures le matin, je suis debout », rapporte-t-elle, puis elle prépare « le déjeuner pour mon mari, pour mon fils, je l’amène à l’école, je vais le rechercher. On est bien là. Avec la maison, on se sent bien, avec la famille, on est bien. Mon mari, il va au travail. Il n’est pas fatigué quand il se lève le matin. » La journée, « je mets la télévision. Je parle, je discute. J’aime réfléchir » et elle se fait aussi du souci, en particulier pour ce qui va se passer lorsqu’ils seront délogés du Simplon : « Je pense beaucoup parce qu’on est là encore quatre mois ».

La famille Faye s’est installée au Simplon au mois d’avril 2020. Khady, la mère de famille, était arrivée en Suisse deux ans auparavant, et elle a vécu avec trois de leurs quatre enfants dans différents logements provisoires à Lausanne et environs. Lorsque son mari les a rejoints, la famille était hébergée par un cousin de Khady, à Lausanne, dans un petit appartement (un salon et une chambre). Les parents et leurs trois enfants y ont partagé le salon pendant plusieurs mois avant de se voir proposer un appartement rue du Simplon. Auparavant, Amadou (le père) et Khady résidaient en Italie, pays dont ils ont la citoyenneté et où ils ont vécu, fondé leur famille et travaillé 18 ans après leur arrivée d’Afrique de l’Ouest. C’est la situation économique très difficile en Italie, et une longue période de chômage pour Amadou, qui les a décidés à migrer en Suisse. Ici, Amadou et Khady ont tous les deux travaillé par l’intermédiaire d’agences d’intérim, jusqu’à ce qu’Amadou trouve un emploi permanent, en CDI, ce qui lui a permis d’obtenir le permis B pour lui et tous les membres de sa famille. Quelques mois après avoir emménagé au Simplon, ils ont fait venir leur fils aîné, qui poursuit actuellement ses études au gymnase. Khady travaille autant que possible, comme femme de ménage ou aide cuisinière dans des structures médicales ou éducatives, mais toujours en intérim et avec un taux d’emploi qui a beaucoup diminué depuis la crise du Covid. En dépit du permis B, d’un contrat de travail fixe, et des revenus issus des missions d’intérim de Khady, la recherche d’un logement s’avère difficile : après avoir visité et postulé pour de nombreux appartements, le constat est qu’il y a toujours des personnes aux revenus plus importants ou des familles plus petites auxquelles les gérances immobilières donnent la priorité. Or, pour être éligible pour un logement subventionné, il faut avoir résidé au moins trois ans sur le territoire lausannois, ce qui sera le cas au début de l’année 2022. En attendant de trouver un logement permanent, Amadou et Khady essaient d’assurer une certaine stabilité à leurs enfants, en demandant des dérogations pour qu’ils et elles poursuivent leur scolarité dans la même école après chaque déménagement.

La famille Lamy est composée de Sohan, l’époux, qui est originaire du Maroc, a la nationalité italienne et un permis L en Suisse, Nora, l’épouse, qui a la nationalité marocaine, et de leurs deux enfants, Kenzo, né en 2015 au Maroc et Inès, née en 2018 en Italie. Les deux enfants ont la nationalité italienne. Le couple s’est marié en 2014 mais, comme l’explique Sohan, « on n’est pas arrivé à avoir une stabilité jusqu’en 2018 », année où elle rejoint Sohan en Italie. Peu après naît Inès.

Comme beaucoup d’autres Européen·nes touché·es par la crise de 2008, Sohan est venu plusieurs fois en Suisse pour chercher du travail, mais il n’y était jusqu’alors jamais resté. En 2019 toutefois, venu « seul » pour « faire des demandes dans les boîtes pour le travail », il obtient un contrat : « et tout d’un coup, j’ai trouvé un petit travail avec l’agence ». Comme il l’explique, « si la personne a la chance de trouver un petit travail pour commencer, ça, c’est la clé, la première clé ». L’entreprise dans laquelle il est employé installe des protections incendie, un travail pour lequel Sohan juge qu’il avait « 60 % au niveau du bagage. Après, quand je suis rentré avec eux, j’ai commencé à apprendre le travail. » De fait, l’entreprise propose de l’engager directement (sans passer par l’agence d’intérim) mais sous un « contrat de formation », ce qui ne paie pas beaucoup : « Ils te donnent le minimum ». Mais il saisit l’occasion parce que « quand tu as la chance, il faut accepter. Et, il faut accepter au début, comment c’est. Comme ça, tu arrives à avoir leur confiance. Comme ça, ils t’acceptent etc., après ça joue. »

Au début de son séjour, Sohan logeait à l’Auberge de jeunesse, puis il s’est déplacé dans les hébergements d’urgence nocturne où l’administration lui octroie, en tant que travailleur, 15 nuits d’affilée en hébergement : « C’est quinze jours. Il y a la Marmotte, aussi le Sleep-In, tu dois faire la réservation. » Travailler la journée et dormir en hébergement d’urgence exige « pas mal de patience, parce que quand tu as le travail toute la journée, donc si tu taffes, tu viens seulement pour dormir ».

Avec la crise du Covid, au printemps 2020, Nora s’est rendue au Maroc avec les deux enfants. Comme la famille n’avait plus de logement en Italie et que le permis de résidence de Nora expirait en août 2020, elle n’a pas pu retourner en Italie. Sohan a alors fait venir Nora et les enfants à Lausanne, avec l’aide du Sleep-In : « Et, heureusement, on a trouvé des gens du Sleep-In qui nous ont donné un coup de main pour avoir un lieu ici pour nous […] On était logé dans un appartement avec trois chambres, pour une durée d’un mois. Et après, on nous a changés ici. » Nora, Kenzo et Inès arrivent à Lausanne à la mi-octobre 2020. Kenzo est inscrit à l’école, ce qui a conduit la famille à l’affilier à une assurance maladie.
Au moment de l’entretien, les parents s’inquiètent d’un rappel de vaccin pour lequel ils avaient un rendez-vous en Italie mais auquel, n’étant pas sur place, ils n’ont pas pu se rendre. Ils doivent trouver un pédiatre pour les enfants. Interrogés sur les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien, ils évoquent les pannes du frigo : « Une dame nous a amené un frigo, mais il ne marche pas. Des fois, l’évaporateur en bas, il y a un évaporateur, ça ferme. Il n’y a pas le passage pour le refroidissement. Donc, on doit l’éteindre et le refaire partir. » Ce problème technique leur pose un problème financier car le couple, qui profite des actions alimentaires, aimerait pouvoir conserver la nourriture. Par ailleurs, le chauffage de l’appartement fonctionne mal et les parents ont souvent froid la nuit. Comme les commerces sont fermés en raison du confinement, ils ne peuvent se procurer un nouveau duvet, qu’ils seraient allés chercher à l’Armée du Salut. Ils ne considèrent toutefois pas qu’il soit légitime d’adresser ces demandes à l’équipe du Sleep-In car, explique Sohan, « on ne peut pas exagérer ».

Sohan estime que migrer est difficile – « ce n’est pas facile au début. Tu n’as pas d’assurance, tu n’as pas le service sanitaire, c’est compliqué » – mais que leur migration est motivée par le souci « d’améliorer notre vie ». Le couple aimerait que Nora, qui a un Bac+3 et un diplôme de « technicienne spécialisée en informatique », puisse à terme trouver du travail. Mais dans l’immédiat, le couple se fait beaucoup de souci pour l’avenir proche : « Surtout le souci, c’est qu’on trouve un endroit après, surtout pour les enfants », alors que les logements « ici, c’est trop cher » et qu’« il faut travailler trois ans pour avoir les logements subventionnés ».

Au Simplon, Sohan apprécie tant les locataires que l’équipe du Sleep-In : « Quand je rentre ici dans l’immeuble, je suis trop protégé » ; « c’est comme dans ma famille avec les gens ici. Et aussi, les gens du Sleep-In, ils sont trop gentils. Tu sais qu’ils sont à côté de toi, ils t’écoutent, etc. Quand tu as besoin, ils te donnent des conseils, des explications, etc. » Finalement, Sohan estime que « ça va. Il y a un proverbe qui dit : goutte après goutte. » À titre de métaphore, il rapporte une histoire qu’on raconte au Maroc : une personne se plaint de sa pauvreté à une autre ; cette dernière l’emmène alors à l’hôpital et lui montre des personnes malades, dont les situations sont bien pires.

 

Julie, 78 ans, a emménagé au Simplon dans un petit appartement individuel. Née en Allemagne, où elle a encore ses frères et sœurs, elle a fait quasiment toute sa vie active en Suisse où elle a travaillé et s’est mariée. Quand son mari a expérimenté le chômage, elle a rebondi en fondant une entreprise. Le démarrage n’a pas été facile, mais avec l’aide de ses proches, elle a pu se lancer dans cette activité qui a bien fonctionné pendant une quinzaine d’années. Tout a basculé quand son mari est tombé malade, puis est décédé d’un cancer fulgurant. « Vous vous retrouvez toute seule. Tout le monde vous laisse tomber comme des chaussettes. Et puis, vous n’arrivez plus à payer […] J’ai vendu le stock total. J’ai eu la chance. J’ai payé certaines factures avec, mais pas tout. Et d’un coup, vous êtes dans la rue ». Julie a tenu un an puis elle a dû quitter son appartement, mettre une partie de ses affaires en garde-meuble et se débarrasser du reste. Elle a été logée pendant quelques années à droite à gauche, chez des amis. Mais les amis sont partis, ou ont changé de vie ; elle a expérimenté la colocation mais ça n’a pas très bien marché. Elle, qui connaissait à peine Lausanne, a fini par découvrir le monde de la rue, les lieux où l’on distribue de la nourriture, et les hébergements d’urgence. Elle a fréquenté le bureau des réservations, a appris qu’elle ne pouvait rester que deux semaines dans chaque hébergement : « Et ça, ça me gênait beaucoup, aller deux semaines à la Marmotte, deux semaines au Sleep-In, prendre des affaires. Et ça, je trouve que c’était […] Ça, c’était compliqué. Et les affaires qui étaient sales ou qu’on m’a données, je les redonnais ailleurs, pour prendre le minimum, pour ne pas avoir trop de choses. Et puis, vous êtes fatiguée, vous dormez n’importe où ». Finalement, le Sleep-In a accepté sa demande de rester sans alterner avec la Marmotte. Parmi les multiples difficultés rencontrées dans cette vie entre la rue et les hébergements, outre la fatigue, le froid, Julie soulève les questions de sécurité (elle s’est fait voler plusieurs fois, elle a rencontré des gens « peu recommandables ») et d’accès aux toilettes : il y a peu de toilettes propres à Lausanne. Julie redoute aussi le regard des autres. Pour éviter ces regards, elle a toujours pris grand soin de son hygiène et de son apparence. Parlant du sac dont elle ne se séparait jamais, elle précise : « Il y avait quand même des choses importantes dedans, le maquillage, de ci, de ça, que je prenais avec. J’ai toujours fait attention à être propre, pas mal habillée ou sale. Je trouve que c’est très important ».

Pour autant, Julie a toujours refusé d’aller à l’aide sociale : « Moi, j’ai été éduquée, je sais qu’est-ce qu’est la vie, je suis dans une mauvaise situation, mais ça va changer bientôt. Alors, je n’ai pas besoin de social. » Elle trouve d’une part qu’il y a beaucoup d’abus dans les recours à l’aide sociale, et qu’on doit au maximum se débrouiller par soi-même dans la vie. D’autre part, les échos qu’elle a eus du service social la confortent dans son souci d’indépendance : « J’ai des connaissances qui étaient au service social. Ils fouillent dans vos papiers. Ils fouillent dans votre vie privée. Vous n’avez plus le droit de dire bonjour, au revoir, et puis non. Moi, ma vie privée, je la dirige moi-même. Je sais ce que je peux faire, ce que je ne peux pas faire. » Enfin, elle a pu expérimenter elle-même, à l’occasion d’une demande de subsides pour l’assurance santé, le fait de se faire renvoyer d’un guichet à l’autre, et elle s’est dit que c’était une vraie perte de temps.

Après deux ans dans le système des hébergements d’urgence lausannois, Julie s’est vue proposer un studio au Simplon par l’équipe du Sleep-In, ce qui l’a ravie, d’autant plus qu’il est situé près de la gare, près du métro. Pour elle qui se déplace beaucoup, c’est important. Elle a emménagé quelques jours avant le confinement. L’équipe s’est chargée de meubler l’appartement, et elle s’est occupée d’acheter les duvets, la vaisselle. Une des personnes de l’équipe lui a proposé de faire ses courses, pour qu’elle puisse se protéger en restant chez elle. Elle a accepté une fois, mais ensuite elle a souhaité continuer à sortir, à marcher, au moins une heure par jour. Depuis qu’elle est installée ici elle se sent beaucoup mieux : « La santé est meilleure. Je suis moins fatiguée […] C’est déjà une bonne chose, parce que j’étais énormément fatiguée. Je dors bien […] Vous vous sentez meilleur [mieux]. Vous vous sentez revivre, de retrouver votre vie que vous avez eue avant. Avant, j’avais une bonne vie. » Julie a beaucoup de projets pour l’avenir, mais avant toute chose, il lui faut trouver un appartement. Ses recherches sont grandement facilitées par le fait d’avoir une adresse.

Quand il est arrivé du Sénégal en Espagne à 32 ans, à la fin des années 80, Adama n’aurait « jamais pensé faire l’immigration deux fois ». Il a travaillé dur en Espagne, d’abord comme vendeur ambulant sur les marchés, pendant 2-3 ans, avant de trouver un travail dans la construction, non déclaré, pendant 8 ans. Puis, à la faveur d’une opération de régularisation des travailleurs sans papier, il a obtenu un permis de séjour et un contrat déclaré. Il s’est spécialisé dans la maçonnerie, la décoration des façades. Il a été naturalisé 10 ans après son premier titre de séjour et il a fondé sa famille en Espagne. Il a trois enfants, qui ont entre 18 et 10 ans. Mais les répercussions de la crise financière de 2008 sont venues petit à petit balayer tout ce qu’il avait construit là-bas :

Maintenant tout s’est fini, ça fait presque 10 ans, l’Espagne ne peut pas sortir de la crise […] J’ai ma maison là-bas, j’ai ma famille là-bas, toute ma vie je l’ai passée là-bas. Si ce n’était pas la crise moi je ne viens pas ici. Même tu as vu, même les Italiens, les Portugais, tu as vu, tout ça c’est pour du travail. C’est comme moi, je suis européen, et si les choses ça ne va pas en Espagne, tu dois bouger pour chercher quelque chose pour donner à ta famille […] C’est pour cela qu’on traîne de gauche à droite pour chercher du travail, mais ce n’est pas facile.

Adama, locataire

Désespéré de ne plus trouver d’emploi pour subvenir aux besoins de sa famille, il s’est remis en route, a fait des allers-retours entre la France (Nice, Paris) et l’Espagne, mais sans succès. En désespoir de cause, il a eu l’idée de venir en Suisse. Arrivé en 2017 ou 2018, il a passé deux mois à dormir à la rue, et ce pour la première fois de sa vie. N’ayant pas de contacts à Lausanne, cela lui a pris un peu de temps pour se repérer dans la ville et connaître les services accessibles : où faire son CV, où manger, et où dormir. Vu son âge, il a pu ensuite bénéficier de réservations en continu entre la Marmotte et le Sleep-In.

Afin de nous permettre de documenter son expérience et, par extension, celle de nombreux autres locataires du Simplon, Adama nous a emmenées arpenter Lausanne. Il nous a montré différents endroits qu’il a fréquentés pendant la période passée entre la rue et les hébergements d’urgence. Ce parcours à travers Lausanne a été l’occasion pour Adama de nous montrer différents lieux où il a été contrôlé par la police, sans que rien dans son attitude ou ses actes ne puisse justifier de tels contrôles. Ces contrôles arbitraires, avec fouille au corps pour vérifier la présence de drogue ou d’argent dans ses poches, est probablement ce qui le révolte le plus dans son expérience en Suisse : « C’est ça qui m’a choqué ici. Les Suisses comme toi, je n’ai pas de problème, je lui donne du respect, je suis chez lui. Mais la police ne me respecte pas. Je suis européen comme eux, comme les autres ».
Adama a rarement trouvé du travail depuis qu’il est en Suisse, à peine quelques missions d’intérim, très insuffisantes pour subvenir aux besoins de ses enfants. Mais rentrer en Espagne les mains vides n’est pas une option, même ses enfants lui manquent beaucoup (il ne les a pas vus depuis plus de trois ans).

Bruno vit dans un appartement tout en haut du Simplon, depuis lequel il a vue sur la gare d’un côté et sur les toits de la ville de l’autre. Il appelle la maison Le château de lumière, pour la lumière réelle qui s’y déploie et pour l’espoir qu’elle a permis de nourrir. Lorsque l’on entre chez lui, on enjambe des cartons de nourriture non périssable (des pâtes et du riz notamment) et des piles d’habits qu’il est allé chercher dans des Églises et qu’il distribue aux locataires. Des livres sont alignés sur des étagères, des dossiers jonchent une grande table. Il s’est procuré et a installé un grand écran, relié à un ordinateur, dans lequel il conserve plusieurs dossiers, dont les CV d’autres locataires qu’il aide à monter leurs dossiers, plusieurs projets d’aides aux personnes démunies qu’il met sur pied, des articles de journaux, des photos, des poèmes et une série de morceaux de musique. Voici comment le décrit un membre de l’équipe du Simplon :

C’est une personne qui suit peut-être presque 60 personnes. En fait, il fait le travail d’un assistant social, tout bénévole. Il a 1000 projets en place. Et, c’est un sans-papiers. Il est portugais et il n’a pas de papiers. Et il aide tout le monde à trouver du travail, à faire les assurances, à toutes les tâches administratives. Il est en train de faire des cours de français pour les femmes. Il a 1000 projets, donc lui, c’est une institution à lui tout seul.

Ilyan, collaborateur du Sleep-In

Issu d’une famille militante et voyageuse, il a lui-même voyagé, milité et il est désormais impliqué dans l’aide aux personnes sans abri, insistant sur son sans-abrisme (il dit : « Nous, les sans-abri »). Bruno aime faire de longues promenades. C’est une habitude qu’il a prise en étant obligé de se déplacer avec son sac à dos comprenant toutes ses affaires, et qui lui a d’ailleurs occasionné des maux de dos. Mais ses promenades le reconduisent actuellement chez lui, où il aime cuisiner, écouter du jazz et discuter politique avec son voisin de palier.

Bruno est extrêmement bien renseigné sur les structures en place, qu’il connaît non seulement pour les avoir fréquentées – il en rapporte d’ailleurs de bonnes et de très mauvaises expériences (l’impossibilité de dormir dans une chambre où l’on ronfle, la gale qui a sévi dans un hébergement d’urgence par exemple) – mais aussi de manière formelle : il connaît le système, les droits et les devoirs associés aux différents statuts des personnes sans abri (et il a notamment lu les articles que les enquêtrices ont écrit sur la question). Il a également des liens dans les agences d’intérim, y accompagne les personnes qui parlent mal ou pas français, les aide à résoudre des problèmes administratifs, etc. Et plusieurs projets réalisés ou envisagés, tels que le projet Café de 4h.30 qui consiste à tenir un stand à la gare pour distribuer un café et des croissants (demandés aux boulangeries) aux personnes qui ont dormi dehors, de sorte qu’elles puissent se réchauffer avant l’ouverture de la gare à 5 h. Et bien sûr un projet pour l’avenir, le Projet des Saugettes, qui permettrait à l’expérience du Simplon de se poursuivre ailleurs et de se déployer avec différentes possibilités de soutien mutuel (autour de l’alphabétisation, de la rédaction de CV, de formation, de l’accès aux soins, etc.). Car comme il l’écrit dans un message :

L’expérience d’être tous ensemble a été excellente dans les relations entre des personnes venant des pays les plus divers, Africains, Européens de l’Est, de l’Europe du Nord, de l’Amérique latine et autres, célibataires, mariés, avec des enfants et cela a toujours été une lutte pour le regroupement familial, avec l’intégration plus que souhaitée dans la société suisse. C’est un excellent travail, le Sleep-In a été parfait. Et il y a encore beaucoup à faire pour montrer à la ville de Lausanne que ce projet est extraordinaire et que beaucoup d’autres personnes ont participé, avec leurs compétences, à l’aventure qui sera bientôt terminée. Cependant, nous avons encore beaucoup à faire afin de nous aider à accepter notre départ d’ici pour un retour plus que prévu dans les abris (ce serait une défaite pour tout le monde). Même si c’était une victoire de montrer que lorsque vous offrez ou donnez des possibilités à cette petite nation unie : les résultats sont magnifiques. C’était une expérience pilote unique pour que d’autres refuges, associations et partenaires puissent à l’avenir utiliser cette méthodologie. Une véritable révolution de la pensée, comment intégrer et obtenir des résultats extrêmement gratifiants dans la lutte contre la précarité à Lausanne. Que le souhait de chacun d’entre nous ne s’arrête jamais. Aujourd’hui, nous sommes tous frères et sœurs et il n’est pas bon de voir nos proches partir sans être préparés à une ancienne ou une nouvelle aventure dans leur vie. Cette aventure déterminera leur avenir sous tous ses aspects, qu’ils soient économiques, sociaux, civiques ou politiques. Un bon après-midi et un sourire pour dire que la vie est belle et que les défis nous rendent plus grands que l’infini. Y viva la Revolución ! Vive la révolution ! Long live the revolution !

Bruno, locataire

Recommandations

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Les logements manquent

Amener les autorités à mener une politique de Logement d’abord à partir du patrimoine communal et/ou en collaboration avec des gérances, des entreprises, des institutions religieuses et des personnes privées ; à engager une personne pour que tout se passe bien ; à assouplir les conditions pour l’obtention d’un logement subventionné et/ou d’une aide individuelle au logement.

Le droit à des conditions dignes de travail n’est pas respecté

Collaborer avec des syndicats, avec des juristes solidaires, organiser des permanences sociales et juridiques, développer des brochures d’information.

La santé est mauvaise

Clarifier les conditions d’accès à l’assurance maladie dans le canton, faciliter l’accès aux subsides, distribuer des flyers : comment s’assurer ? comment demander des subsides ?

Le droit de vivre dignement n’est pas respecté

Parce que demander l’aide publique peut faire perdre le permis de séjour. Et si Lausanne devenait une ville sanctuaire, comme San Francisco ou d’autres villes du Canada ou du Royaume-Uni ? Et si des communes vaudoises développaient une « carte citoyenne » attestant de la présence des personnes dans la commune, à l’image des projets de Züri City Card ou de la ville de la Chaux-de-Fonds ?

Sans abri ≠ sans compétences !

Encourager l’entraide, soutenir des modalités d’échange, d’écoute, de rencontre avec la population. Et en plus nous avons à apprendre de leur expérience.

Communiqué de presse du Mouvement des peuples du Simplon du 19 mai 2021

Les médias en parlent

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24 heures, mercredi 26 mai 2021

Presse

« Soixante anciens sans-abri menacés de retourner à la rue »

RTS, 19h30, jeudi 27 mai 2021

Télévision

Véritable alternative à l'hébergement d'urgence, un immeuble lausannois offre un logement à une soixantaine de sans-abris

RTS Info, jeudi 27 mai 2021

Télévision

Expérience concluante de sans-abri logés dans un immeuble vide à Lausanne

RTS, Forum, vendredi 28 mai 2021

Radio

Le grand débat - Logement vacants, les sans-abris d’abord?

RTS, Quinze minutes, samedi 29 mai 2021

Radio

Quinze minutes - L'agrandissement de la gare de Lausanne oblige des habitants à quitter leur domicile

Journal «Services publics» (SSP-VPOD) no 9, mercredi 2 juin 2021

Presse

L’angoisse d’être renvoyés à la rue (page 5)

24 heures, mardi 8 juin 2021

Presse

La «nouvelle» question du logement

24 heures, mercredi 9 juin 2021

Presse

Les Peuples du Simplon seront relogés