Nous nous concentrons dans cet article sur un épisode de brouillage des frontières entre travail social, destinataires et recherche dans le domaine du sans-abrisme. Ce brouillage est lié à l’absence d’évolution de la grammaire de l’assistance en direction des personnes sans abri. En effet, si l’on a assisté à des transformations des populations touchées par l’exclusion du logement, les politiques sociales à leur égard sont toujours fondées sur un couplage entre deux logiques problématiques : humanitaire (l’urgence) et dissuasive (la pénurie), ce qui rend vain le travail social auprès de ces populations.
Mue par la volonté de penser autrement le travail social pour les personnes sans abri et d’ainsi redonner du sens à son action, l’équipe d’un des dispositifs d’accueil d’urgence a développé durant dix-huit mois un modèle de « logement d’abord ». L’évaluation (qualitative) de cette expérience a donné lieu à une alliance fragile entre personnel, locataires et équipe de recherche, brouillant partiellement les frontières usuelles entre ces groupes. Mais elles n’ont été brouillées que pour un temps, chacun·e étant finalement rappelé à sa position sociale : l’équipe d’urgence est retournée à son travail humanitaire, les locataires ont été renvoyé·es à leur condition de sans-abri, et l’équipe de recherche à son travail académique.