Entre 1890, époque de mise en place des premiers dispositifs d’intervention sur la question de l’enfance en danger, et 1940 qui voit la modification de plusieurs dispositifs légaux et nationaux de gestion de la délinquance, le corps se constitue progressivement en tant qu’élément central de l’expertise médico-psychologique des délinquants mineurs. Cet article propose donc d’examiner comment le phénomène de délinquance juvénile s’est médicalisé dans cette période, jugeant la criminalité comme étant symptomatique d’un dysfonctionnement corporel plutôt que comme une faute morale. L’étude se penche sur quatre paradigmes successifs qui représentent l’évolution de la définition et de la représentation des rapports entre corporalité et délinquance.
Le premier paradigme est le paradigme morélien, présentant la délinquance comme un signe de dégénérescence de la « race humaine », postulant qu’un psychisme dégénéré est lisible sur le corps. Le second est le paradigme microbiologique, dans une période qui découvre le rôle des agents infectieux extérieurs au corps et qui tend à isoler les délinquants afin d’éviter une « contagion du mal ». Le troisième paradigme, métabolique, déplace l’intérêt des microbes extérieurs au corps aux réactions chimiques internes. Enfin, le dernier, psychosomatique, postule un lien entre le corps et l’esprit et ainsi des effets physiologiques dus à l’anormalité mentale. Ces paradigmes influencent la modification de la juridiction pour l’enfance délinquante en 1935, exigeant des expertises médicales avant toute sentence.
Résumé : Sarah Kiani.