Selon de nombreux auteurs, le rapport aux règles et aux normes passe actuellement par des transformations qui vont dans le sens de régulations plus procédurales, définies en situation par la négociation. Ces transformations sont interprétées principalement de deux façons : une première, essentiellement optimiste, considère que ces changements offrent plus de place à l’initiative et induisent une flexibilisation des contenus normatifs. L’autre interprétation souligne le caractère formel voire rhétorique de ces évolutions : les nouveaux modes de gestion publique ne seraient qu’une manière de rendre les corps et les esprits dociles alors que les décisions restent du ressort de la hiérarchie. Afin d’évaluer la portée et l’impact des transformations à l’œuvre, cette contribution propose l’approche par les capacités d’Amartya Sen. Deux interrogations sont au centre de cette réflexion : qui négocie ou peut négocier ? Qu’est-ce qui est négocié ou négociable ? Le texte s’appuie sur trois notions-clés de l’approche par les capacités permettant d’éviter l’écueil d’une utilisation normative et idéalisante de l’approche de Sen : la notion de conversion, c’est-à-dire la possibilité de chacun-e de convertir ses ressources en libertés réelles, la notion de base informationnelle de jugement en justice qui permet d’évaluer le caractère juste ou injuste d’une situation, et enfin la liberté réelle des individus. Cette approche ouvre la voie à des approfondissements empiriques qui permettent de mieux spécifier les formes de négociation à l’œuvre dans les processus de décisions collectives.
Résumé : Sarah Kiani