Raphaël Rey et Anne-Cécile Leyvraz, respectivement anthropologue et juriste, se penchent sur la suppression de l'aide sociale. Cette mesure vise, dès 2004, les personnes frappées d'une décision de non-entrée en matière (NEM) et s'étend en 2008 à l'ensemble des personnes ayant reçu une réponse négative à leur demande d'asile. Leur analyse des débats parlementaires montre d'abord comment les objectifs explicites de l'adoption de cette mesure - ceux de dissuasion et d'incitation au départ - reposent sur la notion d'"abus" et la catégorisation binaire de "faux" et de "vrais réfugiés". Dans un second temps, les auteur·e·s montrent qu'au-delà des légitimations explicites, la suppression de l'aide sociale poursuit également un objectif plus implicite de marquage matériel et symbolique de l'"abus". La fonction de ce marquage est non seulement de renforcer la catégorie de l'"abuseur", mais aussi de réarmer la légitimité des autorités et la souveraineté de l'Etat en matière de contrôle migratoire.