Pourrais-tu nous résumer ta dernière recherche ?
Il s’agit de mon travail de master qui a porté sur l’exploration des pratiques professionnelles des ergothérapeutes travaillant auprès des personnes adultes en situation de handicap en France.
J'ai voulu entamer ce travail en lien avec mon contexte de pratique de l'époque où j'accompagnais spécifiquement des adultes en situation de handicap dans leur parentalité. Souvent, ils et elles me parlaient de leurs (pré) occupations en lien avec leur parentalité, bien sûr, mais aussi parfois avec leur conjugalité et leur sexualité. Souvent, ces adultes me disaient que j'étais la première ergothérapeute avec laquelle ils et elles abordaient ces domaines de leur participation occupationnelle, et je ne pouvais pas m'empêcher de m'en étonner. J'ai donc choisi de mener cette étude en théorie ancrée et plus spécifiquement selon sa branche constructiviste développée, entre autres, par Charmaz (2024)1. Cette méthode m'a permis d'assumer pleinement la co-construction des savoirs avec les participant·es de cette étude. Mes influences, notamment en lien avec la considération des rapports de pouvoir à l’œuvre dans la société, ont été prises en compte.
« Le focus sur cette triade (sexualité, conjugalité et parentalité) de la participation occupationnelle des adultes visibilise la teinte que le validisme, l’hétéronormativité et le genre donnent encore à nos pratiques. »
Et quels résultats as-tu trouvé ?
En interrogeant mes collègues sur leurs pratiques, nous avons pu faire émerger quelques impensés dans nos accompagnements en ergothérapie. Le focus sur cette triade (sexualité, conjugalité et parentalité) de la participation occupationnelle des adultes visibilise la teinte que le validisme, l’hétéronormativité et le genre donnent encore à nos pratiques. Plus particulièrement, il semble qu’une sorte de hiérarchisation dans le validisme se fasse encore sentir. Par exemple, j’ai pu observer qu’il est plus facile pour les ergothérapeutes de parler de sexualité auprès d'un homme cis genre hétérosexuel atteint d'une blessure médullaire mais sans troubles cognitifs, qu'auprès d'une personne vivant avec un trouble du spectre de la schizophrénie. Au terme de cette recherche, ma conclusion est qu’il y a un large impensé des rapports de domination - et qui plus est de la manière dont nous contribuons à les (re)produire – dans les pratiques professionnelles des ergothérapeutes au sujet des domaines de la parentalité, de la conjugalité et de la sexualité.
« Adopter une perspective occupationnelle de la parentalité permet de se détacher des personnes et de ce qu’elles sont pour mettre en avant ce qu’elles font. »
Pourrais-tu nous parler de ta perspective occupationnelle de la parentalité ?
À mon sens, adopter une perspective occupationnelle de la parentalité permet de se détacher des personnes et de ce qu’elles sont pour mettre en avant ce qu’elles font. J’aime bien l’idée selon laquelle on est parent parce qu’on « fait » parent. Et il y a tellement de manières de faire parent tout au long de la vie. Il y a les personnes qui vivent une situation de handicap et qui ne peuvent pas s’occuper tous les jours de leurs enfants, il y a celles qui font parents différemment parce que leurs enfants ont out simplement grandi, et il y a toutes les personnes qui font parent sans lien de sang, ou encore qui font parent avec d’autres adultes. À l’avenir, j’aimerais beaucoup développer ma réflexion sur la question d’une perspective occupationnelle de la parentalité, ou de « faire » parent. Car je crois qu’une telle perspective permettrait d’élargir nos représentations de la parentalité d’une part, et que d’autre part cela amènerait une vraie richesse pour penser les différentes manières d’accompagner un enfant, et ce tout au long de la vie.