Au cours des 25 dernières années, la Suisse a élaboré plusieurs projets de réforme du système des retraites, tous rejetés lors de votations populaires. Finalement, le 25 septembre 2022, le projet AVS21 a été accepté par une très courte majorité du peuple. Cette réforme augmente d’une année l’âge de référence de la retraite des femmes pour l’aligner sur celui des hommes (65 ans). Le présent article vise à montrer la façon dont cette réforme, comme les propositions antérieures, constitue un puissant révélateur des tensions qui se manifestent autour du régime de genre dans le contexte helvétique contemporain. L’argumentation en faveur de cette réforme a été formulée selon une « rhétorique de l’égalité » par les autorités politiques, présentant la réforme AVS21 comme un outil de promotion de l’uniformisation des parcours de vie des femmes et des hommes et comme une conséquence inévitable de l’évolution de la société suisse vers plus d’égalité. Cependant, notre analyse des débats préalables et postérieurs à l’adoption de cette réforme révèle le caractère conservateur du régime de genre suisse, contribuant à la persistance de fortes inégalités sur le marché du travail et dans la sphère familiale. Le décalage entre la réalité de la division sexuelle du travail et la rhétorique égalitariste des autorités fédérales a indéniablement alimenté les oppositions exprimées à l’égard de ces réformes de la part des mouvements féministes et des syndicats.