Synthèse atelier : Santé et précarités

Cet atelier s’est déroulé sous la forme d’un « World Café ». Les quatre questions – définies en amont par les co-animateur·rices – structurant cet atelier ont invité les participant·es à s’exprimer sur des thématiques larges liant précarités et santé :

  • Quels leviers d’action pour visibiliser de façon citoyenne la dimension collective de la santé ?
  • Quelles sont les problématiques actuelles à prendre en compte ?
  • Quelles sont les populations, les secteurs, domaines ou dispositifs socio-sanitaires qui sont les plus impactés par la question de la précarité ?
  • Comment favoriser l’engagement et la participation communautaire des personnes concernées ?

Au fil des discussions, les participant·es ont affiné ces thématiques et certains constats sont ressortis de manière transverse entre les différents espaces d’échanges.

Animation : Virginie Stucki, Mathieu Arminjon, Gabriel Perritaz, Denis Pouliot-Morneau et Viviane Prats

Constats, enjeux et attentes

Les échanges ont permis de mettre en exergue le fait que les précarités en santé concernent des populations diverses et se situent à l’intersection de multiples problématiques, par exemple les personnes âgées et la précarisation numérique, les jeunes avec des problèmes de santé mentale n’accédant pas aux droits sociaux, le manque d’accès aux structures de soins des personnes sans statut de séjour légal, etc. Cette intersectionnalité se répercute à différents niveaux du système de santé : l’information, l’orientation, la prévention, la prise en charge, l’accès et le recours au système de soins et les comportements de santé.

En outre, le système de soins en Suisse, basé sur la LAMal, est rigide et complexe à appréhender. Ces caractéristiques créent ainsi non seulement des inégalités dans l’accès et le recours aux soins des personnes concernées mais peuvent également contraindre la marge de manœuvre des professionnel·les dans les réponses déployées.

Il existe d’ailleurs un cloisonnement important entre les domaines de la santé et du social dans la détection des problématiques, la prise en charge et les réponses apportées par les professionnel·les aux situations individuelles de précarités socio-sanitaires. Cette sectorialisation participe ainsi à renforcer la complexité du système et, de fait, la non-atteinte et/ou le non-recours de certains publics. Le travail d’associations mais aussi des formes de bénévolat servent alors à combler certaines failles du système tout en conduisant à produire, elles aussi, des formes de précarités (santé mentale et précarisation des proches-aidant·es, par exemple).

Enfin, les participant·es ont relevé que les fortes injonctions individuelles entourant le discours sur les questions de santé (comme les questions de santé mentale, par exemple) participaient à stigmatiser les personnes concernées par des problèmes de santé et, de fait, à invisibiliser certaines d’entre elles.

Sur la base de ces constats, les participants ont souligné la nécessité de développer davantage une approche holistique de la santé afin de lutter plus efficacement contre les inégalités d’accès aux soins, les précarités en santé et de donner de meilleurs outils aux professionnel·les pour répondre de manière globale et adaptée à la diversité des situations rencontrées. Cette approche devrait en outre s’accompagner d’une prise de conscience globale des enjeux collectifs de la santé et faire l’objet d’un relais politique afin de développer une prise en charge collective des enjeux de santé.

Pistes

Dans cette optique, certaines pistes pouvant être mises en œuvre de façon parallèle dans différents champs d’action ont alors été évoquées.

Documenter les inégalités de santé et la diversité des situations pouvant mener au (non-)recours aux prestations de soins

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Les participant·es ont relevé que malgré la quantité importante de connaissances existant sur les inégalités de santé, celles-ci sont difficilement accessibles en raison d’un manque de vulgarisation des travaux de recherche. Rassembler, analyser, vulgariser et visibiliser ces savoirs s’avère un préalable nécessaire avant de s’atteler à la production de connaissances nouvelles.

Reconnaître et s’appuyer sur les aspects collectifs du savoir expérientiel

2

Des solutions pour atteindre tous les publics - y compris ceux en dehors du système assurantiel ou renonçant plus fréquemment aux soins - devraient aussi être pensées. Pour ce faire, les participant·es ont relevé la nécessité d’établir une meilleure connaissance des besoins des personnes concernées et d’évaluer l’adéquation des prestations existantes avec ces derniers. L’importance de la participation des personnes concernées dans la conception, le pilotage, le déploiement et l’évaluation des dispositifs mis en place a été soulignée à diverses reprises. Dans cette optique, le développement de recherches et d’évaluations participatives en santé a ainsi été évoqué, tout comme le développement d’espaces pour faire dialoguer les expertises et les savoirs de l’ensemble des acteur·rices de la santé (personnel médical, acteur·rices associatifs, politiques, personnes concernées, etc.).

Développer des actions visant une amélioration de l’information délivrée à la population et de l’orientation et la prise en charge des personnes concernées dans le système socio-sanitaire

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Sur le plan professionnel, les formations aux métiers du secteur socio-sanitaire devraient être davantage transversales et interdisciplinaires afin que les professionnel·les de la santé et du travail social acquièrent des compétences de détection, de (ré-)orientation et de prise en charge des situations nécessitant un accompagnement dans le domaine voisin. Un ajustement des programmes d’études et l’élaboration de formations continues pourraient être pensés dans ce sens.

Au-delà des compétences individuelles des professionnel·les, l’organisation même du système devrait être davantage mutualisée et simplifiée. Pour les usager·ères, ceci devrait se traduire par de l’information, une orientation et des réponses plus globales et moins sectorialisées. En ce sens, trois pistes ont été mises en avant par les participant·es :

  • le développement de lieux uniques d’informations et d’accueil des demandes socio-sanitaires constituant ainsi une porte d’entrée générale et simplifiée pour la population ;
  • la reconnaissance et le développement d’actions s’appuyant sur des pair-aidant·es afin de faciliter la compréhension et l’orientation des personnes concernées dans le système socio-sanitaire ;
  • le déploiement d’actions « proactives » dans le cadre desquelles les professionnel·les adoptent une démarche de travail « allant vers » les publics, afin de délivrer des informations et des prises en charge ciblées, tout en recréant un climat de confiance pour des personnes qui auraient des appréhensions à entrer en contact avec les structures existantes.