Analyser un objet invisible : le travail de care

Le travail de care, compris comme lʼactivité de soin à une personne qui en dépend et le souci de la réception de ce soin, a pour particularité d’être effectué dans la discrétion et de n’apparaître que lorsqu’il est absent. Peu valorisé, il est assigné en majorité aux femmes cette assignation étant légitimée par le fait que les compétences liées à ce travail constitueraient chez elles lʼexpression naturelle de leur rôle. Cet article, d’ordre essentiellement méthodologique, est basé sur une recherche qui a porté sur les pratiques des assistant-e-s sociaux/ales (AS) en Suisse romande. En utilisant comme “boussole” la charge émotionnelle vécue par les chercheures durant leurs observations de terrain, celles-ci ont fait apparaître, lors d’entretiens de co-interprétation, des pratiques invisibles du travail social. Sur le terrain, les réponses des AS aux demandes des usagers et usagères ne correspondaient presque jamais aux attentes des observatrices et constituaient souvent un choc moral vis-à-vis de la maîtrise dont les AS font preuve. Lʼentretien de co-interprétation, moment où la chercheuse présente à lʼAS des impressions vécues lors de lʼobservation, permet dʼexpliquer les logiques qui sous-tendent la pratique des AS en faisant apparaître un hiatus entre la réaction de la chercheuse et les explications données par lʼAS. Ce décalage entre les émotions de profanes et l’action des professionnel·le·s constitue la valeur heuristique de la démarche et permet de rendre compte que le care ne peut sʼaccomplir que dans le cadre qui le limite et le contraint.

Résumé : Sarah Kiani

Auteur·e·s
Références

Benelli, N. & Modak, M. (2010). Analyser un objet invisible : le travail de care. Revue française de sociologie 51(1), 39-60.