Interview

Évaluation d’un projet éducatif en milieu scolaire : le point de vue d’un mandant


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Le Concept 360 est mis en œuvre dans le canton de Vaud depuis 2020, visant à offrir un contexte de formation inclusif dans l’enseignement obligatoire, à l’aide de différentes mesures. L’une d’entre elles, les « Pôles Éducatifs en Milieu Scolaire » (PEMS), a été développée de manière pilote dans les Alpes vaudoises. La Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), chargée du pilotage de ce dispositif, a mandaté une équipe de la HETSL pour évaluer ce projet pilote, avant de le déployer dans les autres régions du canton. Frédéric Vuissoz, Directeur général adjoint de la DGEJ, revient sur le déroulement de cette évaluation, en partageant son point de vue et son expérience en tant que mandant de cette recherche.

Revenons sur l'origine de ce mandat : qu’est-ce qui a motivé votre décision de faire appel à la HETSL pour mener cette évaluation du projet pilote du PEMS des Alpes vaudoises ?

F. Vuissoz : C'était important pour nous d'avoir une évaluation qui permette d’identifier les forces et faiblesses de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, ainsi que de voir à quelles conditions on pouvait le généraliser aux autres régions. Quand la DGEJ a été mandatée pour mettre en place ce projet pilote, nous nous sommes dit qu'il fallait qu'on le fasse de manière professionnelle, qu'on l'évalue avec des outils adéquats. Et comme nous ne sommes pas des spécialistes de l'évaluation, nous avons fait appel à la HETSL, parce que nous avions besoin d'un soutien en termes d'outils et de méthodes.

Quand nous avons rencontré l’équipe de recherche, rapidement, nous avons été convaincus par l'approche proposée, qui consistait notamment à construire un modèle d'impact. Cette première étape a permis de répondre à l’une de nos attentes, qui était de pouvoir objectiver notre travail. Un autre élément qui nous a plu est que la démarche était participative, impliquant tous les actrices et acteurs concerné·e·s par la mise en œuvre de ce projet. Et puis, nous avons aussi apprécié la qualité du descriptif de l’offre, qui était fait de manière à la fois extrêmement claire et dense. J'ai pu le constater aussi dans d'autres mandats qui ont été confiés à la HETSL.

Un autre élément qui a guidé notre choix, c’est que, dans le cadre de la réforme du service1 , nous avons souhaité aussi nous rapprocher de la HETSL, qui forme nos futures collaboratrices et collaborateurs. Je pense qu’il est en effet important d'avoir ce lien entre la pratique et la recherche. Nous avons besoin des deux pour pouvoir bien travailler : le concret du terrain, mais aussi la théorie de la recherche, qui permet d'avoir un regard extérieur sur notre pratique. C’est une aide à la décision pour la direction de la DGEJ dans différentes orientations à prendre.

« Quand nous avons rencontré l’équipe de recherche, rapidement, nous avons été convaincus par l'approche proposée, qui consistait notamment à construire un modèle d'impact. »

Vous avez fait partie d'un groupe d'accompagnement de cette évaluation, composé également d'autres membres de votre équipe ainsi que d’une délégation de la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO). Comment s'est passée la collaboration avec l’équipe de recherche dans ce cadre ?

Je trouve qu’il y avait une grande qualité d'écoute par rapport à ce qu'on vivait. C'est extrêmement important pour nous d'avoir une équipe de recherche qui est à notre écoute, qui n’essaye pas d'imposer son point de vue mais qui amène de la méthode, parce que c'est de ça dont nous avons besoin, nous qui sommes sur le terrain, afin de mieux comprendre ce que nous faisons.

Un autre aspect qui a été apprécié est la forte implication des chercheuses et chercheurs de la HETSL auprès des personnes qui mettaient en œuvre le projet ; elles et ils ont su vraiment créer ce dialogue avec les différents partenaires, surtout dans un contexte qui n’était pas évident : on était au début du COVID-19 quand on a commencé à mettre en œuvre ce projet, mais l'équipe de recherche a su toujours garder le contact avec les équipes qui étaient sur le terrain. Et ce j'ai aussi apprécié, dans mon rôle de mandant, c'est d'avoir des retours clairs, transparents sur là où on en est, les points à travailler, l'avancement donc une qualité de dialogue et d'échange qui a, je pense, contribué à la réussite de ce mandat.

« C'est extrêmement important pour nous d'avoir une équipe de recherche qui est à notre écoute, qui n’essaye pas d'imposer son point de vue mais qui amène de la méthode, parce que c'est de ça dont nous avons besoin, nous qui sommes sur le terrain, afin de mieux comprendre ce que nous faisons. »

Pouvez-vous nous parler d’un moment-clé de cette collaboration ?

Alors, le moment clé, pour moi, c'était quand l’équipe de la HETSL nous a présenté le modèle d'impact sur lequel elles et ils ont travaillé ; ça, c'était vraiment un des moments forts, parce que ça nous a permis de pouvoir mieux identifier ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons, quel est le public cible, et quels sont les objectifs qui sont visés par cette démarche-là. Cela nous a permis d’avoir une vision plus construite et objectivée de ce projet.

De quelle manière la DGEJ a pu mobiliser cette évaluation dans le cadre du pilotage de ce dispositif ?

Une première utilité a été de comprendre que ce type de projet ne fonctionne que si tous les actrices et acteurs sont impliqué·e·s et ça, la recherche le montrait bien. Il faut vraiment la forte implication de tous les actrices et acteurs, autant du milieu scolaire que de l’éducation. Ça, c’est quelque chose auquel on on a été très attentifs par la suite.

Ensuite, il y avait la question des moyens qui étaient alloués au dispositif et on le voit dans le rapport, ça ressort, le fait que probablement les moyens qui étaient alloués à ce projet devraient évoluer avec le temps. Et ça a été l'occasion aussi de pouvoir le présenter aux politiques. Car une des questions des politiques était justement : quel est le taux optimal d’éducateurs en milieu scolaire ? Comment ça se calcule et quelles sont les bonnes pratiques qui ressortent de la littérature ? L’évaluation réalisée a permis de s'appuyer sur une démarche solide, scientifique pour faire évoluer le dispositif à terme.

« L’évaluation réalisée a permis de s'appuyer sur une démarche solide, scientifique pour faire évoluer le dispositif à terme. »

Et, finalement, quelle utilité cette évaluation a pu avoir pour le développement des PEMS dans les autres régions ?

Ça a été un point de référence, notamment sur le rôle du responsable d'unité (RU). La Maison des Jeunes, qui a mis en place le projet pilote, est partie avec cette fonction de RU, qui n’était pas forcément prévue dans le concept de départ. Mais nous avons pu constater le rôle clé de ce RU qui coordonne, qui permet de pouvoir renforcer les éducatrices et éducateurs, quand il y en a besoin, qui fait du lien. C'était un des éléments qui ressortait du rapport. Car dans quelques régions scolaires, c'était compliqué pour les établissements scolaires qui se disaient : finalement, ça sert à quoi ce RU ? Il n’a pas suivi de de situation lui-même, etc. Donc on voit que certains PEMS ont dû faire reconnaître la spécificité du travail socio-éducatif, qui se fait beaucoup en équipe, par rapport au travail en milieu scolaire, qui est plus individuel. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur le rapport pour démontrer la plus-value de ce rôle de RU. Si bien que dans le budget 2022 on l'a introduit dans chaque PEMS, et on l'a pérennisé ; c'est une fonction qui maintenant a trouvé toute sa légitimité du côté des établissements scolaires.

Finalement, on voit que la création de ces PEMS a bien abouti. Quand il y avait parfois des difficultés, on a renvoyé les pôles vers le rapport qui était rendu public, dans une volonté que les choses soient transparentes. Justement pour que celles et ceux qui le mettent en œuvre puissent s'inspirer du projet pilote qui avait été mis en place et évalué.

Nous avons eu une rencontre récemment qui démontre que ces PEMS se sont mis en place, ont pu collaborer avec les établissements scolaires, engager les éducatrices et éducateurs. Nous sommes donc maintenant dans la phase de stabilisation du dispositif. Il faut qu’on puisse maintenant mesurer, grâce au modèle d'impact : est-ce que ce qu'on a voulu à travers cette introduction des éducatrices et éducateurs en milieu scolaire a pu être atteint ? Est-ce que ça répond aux besoins des publics cibles ? Donc, cette évaluation nous sert toujours comme base, pour la mise en œuvre du dispositif.

 

Propos recueillis par Noémie Pulzer

1Pour plus d’informations, voir Direction générale de l’enfance et de la jeunesse