Interview

Vernissage du livre « Post mortem flash-back : scènes de suicides assistés en Suisse »


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Après une recherche en immersion sur les réalités de l’assistance au suicide au Suisse que l’on découvre dans l’ouvrage écrit à huit mains « La Mort appréciée, l’assistance au suicide en Suisse », Marc-Antoine Berthod et Alexandre Pillonel ont poursuivi ce travail en se focalisant sur la phase port-mortem de l’assistance au suicide.

Pourquoi avoir choisi de focaliser votre nouveau livre sur la phase port-mortem du suicide assisté ?

Marc-Antoine Berthod: Cette temporalité qui suit le suicide assisté est méconnue. Que se passe-t-il juste après que le suicide ait été accompli ? C’est une question qui est rarement abordée et qui nous semblait non seulement être un point de vue original, mais aussi révélateur des enjeux qui sous-tendent le suicide assisté. Ce dernier étant administrativement considéré comme une « mort violente », une enquête est systématiquement ouverte et implique par conséquent une intervention judiciaire avec la présence de la police, de la médecine légale et du ministère public.

Alexandre Pillonel : Dans notre premier livre « La Mort appréciée, l’assistance au suicide en Suisse », un chapitre était déjà dédié à cette phase post-mortem de manière très factuelle. Nous avons voulu dans l’écriture de notre livre présenter l’intervention post-mortem de manière narrative en suivant la chronologie du dispositif de manière détaillée et en empruntant le point de vue des différents acteurs et actrices. Cette mise en récit permet de soulever les enjeux qui émergent dans cet espace-temps qui fait intervenir des professionnel·le·s qui se positionnent dans une logique d’expertise et non plus d’accompagnement des familles.

« Nous avons voulu dans l’écriture de notre livre présenter l’intervention post-mortem de manière narrative en suivant la chronologie du dispositif de manière détaillée et en empruntant le point de vue des différents acteurs et actrices. »

Comment s’est déroulée l’écriture du livre ?

M-A B. :Nous nous sommes appuyés sur les données récoltées durant notre précédente recherche. Au moment de l’écriture de notre précédent livre, nous savions déjà qu’il y avait une demande pour éditer en France une version plus courte de notre recherche en nous focalisant sur l’un des aspects abordés. La difficulté était de se réapproprier notre travail sans reproduire ce que nous avions déjà écrit. La phase post-mortem, avec tout le dispositif qui entoure le suicide assisté, révèle la perception sociétale et les enjeux éthiques qui en découlent. Notre travail, s’il permet d’éclairer les enjeux et participer au débat, est avant tout un travail ethnographique. Nous ne revendiquons pas une prise de position militante.

« La phase post-mortem, avec tout le dispositif qui entoure le suicide assisté, révèle la perception sociétale et les enjeux éthiques qui en découlent. »

Que gardez-vous de cette immersion dans les réalités du suicide assisté ?

A. P. : Un vrai questionnement sur mon rôle de chercheur. Ce travail de terrain intervenait dans des situations et des vécus très intimes au sein des famille qu’on suivait. Nous devions sur appel pouvoir nous tenir prêt à intervenir dans les quinze minutes. Tous les matins, il fallait donc réfléchir à quelle tenue vestimentaire prendre pour être prêt rapidement à rejoindre le domicile des personnes concernées. On se retrouve dans des moments forts émotionnellement, ne sachant pas toujours quel ton adopter. Faut-il par exemple présenter ou non nos condoléances aux familles. Le fait d’être plusieurs chercheur·e·s impliqué·e·s dans cette recherche nous a permis d’échanger. Au fil du temps, on développe une sensibilité qui nous permet de trouver les bons moments pour interagir en tant que chercheur tout en gardant notre part émotionnelle. Nombreuses anecdotes m’ont finalement permis de déconstruire au fil du temps des projections que j’avais sur les conventions à adopter.